C’est ainsi que « la saison est prometteuse » et que « la croissance est à deux chiffres ». Oubliés, les agences de voyages au bord de la faillite, les hôtels incapables de payer leurs factures d’électricité, les pertes de 2011 non encore épongées, l’incertitude qui plane encore sur la haute saison… Tout cela est évacué pour laisser place à la célébration des « efforts consentis et de la sage politique suivie ». On a même, comme au bon vieux temps, fait appel à l’OMT pour une conférence bidon sur l’avenir du tourisme en Méditerranée… à défaut d’en organiser une sur l’avenir du tourisme en Tunisie.
La vérité est que la vanité de nos décideurs nous perdra. La vérité est que cet hiver, la Tunisie a plus profité de la chute de l’Egypte (dont c’est la haute saison) et de prix d’hiver bien bas, qu’elle n’a eu de mérite à séduire la clientèle. La vérité est que le peu de résultats que nous réalisons, nous le devons surtout à quelques groupes et entreprises qui agissent pour cela dans leur coin. La vérité est que notre tourisme peine depuis déjà une vingtaine d’années à tenir son rang parmi les destinations méditerranéennes, malgré les nombreux atouts de notre pays, la richesse de son patrimoine et la diversité de ses paysages. Le paradoxe tunisien est d’avoir une bonne destination, et pourtant un tourisme malade avec des entreprises endettées. La vérité est que nos atouts naturels et culturels ne peuvent plus compenser à eux seuls notre incapacité à définir une stratégie et à organiser le secteur et ses intervenants. En un mot, notre tourisme est malade de ses structures.
Comme on peut le constater tous les jours, nous avons une administration et des professionnels plus préoccupés par leurs querelles de clochers (faut-il dire « de minarets » ?) que par la mise en place d’une stratégie qui n’est jamais venue. Organisations professionnelles et administration perdent chaque jour un peu plus de leur crédibilité. Dernière illustration de cette défaillance de nos structures : la mini feuille de route, censée guider le secteur pour deux ans, tarde à sortir pour des considérations d’ordre protocolaires. Entre-temps, et en ce début du mois d’avril, soit 100 jours après l’arrivée du nouveau gouvernement, les urgences du secteur sont déjà ailleurs. La seule feuille de route valable pour les mois à venir est celle qui lèvera les deux hypothèques pesant lourdement sur notre tourisme et menacent de l’achever, à savoir :
– les manifestations salafistes devenues quasi quotidiennes. Nous leur devons la une des journaux et des télés européennes, et elles anéantissent les millions dépensés ces deux derniers mois en publicité et en invitation de journalistes. La dernière en date s’est déroulée le dimanche 25 mars, des incultes munis de haut-parleurs y ont appelé à l’assassinat et au racisme devant le siège même du ministère de l’Intérieur ;
– l’endettement hôtelier et son corollaire, l’assainissement du parc hôtelier tunisien. On parle de plus de 100 hôtels “carbonisés” et donc irrécupérables, et d’un bon tiers en mal d’entretien et de rénovation, qui tirent chaque jour la destination vers le bas. On se demande pourquoi nous sommes si discrets sur les missions qu’effectue en Tunisie la Banque Mondiale à ce sujet.
Ce n’est qu’une fois ces deux abcès crevés, nettoyés et traités que nous pourrons nous attaquer à nos autres défaillances. Autrement, nous continuerons à palabrer.
Et si on se disait la vérité…
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