“Atout France”, un modèle pour notre ministère ?
En plus de sa mission de promotion des sites culturels, “Atout France” pourrait aussi, selon les indications de la nouvelle Feuille de route du tourisme tunisien, se charger du dossier de la diversification de l’offre et de celui de la réforme du cadre institutionnel (voir notre document, “Chantiers structurels”). Il est donc important d’apprendre à connaître cet organisme et de se poser quelques questions à son propos.
Dans un Livre Blanc de la modernisation hôtelière et touristique en France (par Marc Watkins, novembre 2011), “Atout France” est ainsi présenté :
« Depuis quelques années, il a été demandé à Atout France de chercher à autofinancer ses frais de fonctionnement par la vente de services d’accompagnement, afin de réduire son coût pour l’Etat. Atout France est donc devenu au fil du temps une sorte de consultant qui facture ses prestations et vend tout ce qu’il peut à ses adhérents. Sa mission de service public, travaillant pour les professionnels du tourisme et surtout les collectivités, a été presque totalement obscurcie et mise en retrait.
« Parallèlement, bien qu’étant sous un statut public/privé, l’agence travaille de plus en plus sous la dépendance presque unique du gouvernement, et plus particulièrement depuis juillet 2009 par contrat avec le Ministère en charge du tourisme, elle est devenue un véritable bras armé politique du Ministre en place et suit ses demandes à la lettre avec une marginalisation de l’administration touristique centrale (…).
« (…) Mais il est étonnant qu’un bilan de l’action promotionnelle d’Atout France ne soit jamais réalisé pour vérifier/valider sa compétence dans ses missions, la qualité des retombées de ses actions promotionnelles et de représentation, ainsi que plus simplement… le sérieux de son travail.
« (…) On peut également s’étonner des partenariats que prend Atout France. Par exemple, il signe en 2011 une convention avec le groupe hôtelier Accor d’une durée de 3 ans dont l’objectif principal est « de promouvoir le réseau hôtelier en France auprès des clientèles d’affaires et de loisirs françaises et internationales » (…) Cet accord exclusif, teinté de favoritisme, vers un opérateur unique du secteur privé, est pourtant contraire à la vocation d’Atout France.
« Le fait qu’Atout France soit devenu un instrument politique au service du gouvernement, voire du parti politique au pouvoir pose un véritable problème de confiance, de fiabilité et de crédibilité dans ce qu’il communique, réalise, actionne et apporte comme informations.
« Enfin, il faut constater et même dénoncer les nombreux échecs, pour ne pas dire fiascos, dans les dossiers gouvernementaux touristiques de ces quatre dernières années, avec Atout France pour maître d’ouvrage délégué. »
Au vu de ce pedigree, on peut se poser les questions suivantes :
– Pourquoi a-t-on choisi un prestataire aussi controversé ?
– Qui paye Atout France ? Si c’est l’administration tunisienne, est-ce sur le budget de l’Etat tunisien, ou est-ce à travers un don ou un “prêt conditionné” de la part de l’Etat français ?
– Les missions confiées à ce prestataire apparemment “expert” dans la « marginalisation de l’administration du tourisme » vont-elle englober la réforme institutionnelle comme c’est mentionné dans la Feuille de route ?
– En quoi consiste le rôle d’Atout France dans le chantier structurel de « diversification de l’offre » de la Feuille de route du tourisme tunisien (notre document) ? N’ y a-t-il pas, pour un produit ou un autre, un probable conflit d’intérêt entre les missions de ce prestataires auprès du tourisme tunisien et celles qu’il assure auprès de concurrents français comme c’est le cas pour la thalassothérapie ou la chirurgie esthétique ?