Tous les professionnels du tourisme au monde savent que c’est un secteur où il faut avoir le cœur bien accroché pour survivre aux multiples soubresauts et aux crises du marché. Nos professionnels à nous doivent en plus apprendre à supporter le cynisme de leur propre gouvernement. En effet, à peine la situation a-t-elle commencé à se normaliser, et les partenaires étrangers à être quelque peu tranquillisés ; à peine l’opinion internationale a-t-elle commencé à oublier les images du dernier show, à Kairouan, de ceux qu’on appelle des salafistes ; à peine les milliards investis par le contribuable dans la promotion touristique ont-ils commencé à porter leurs fruits, laissant apparaître une lueur d’espoir pour un sauvetage de la saison, que nous voilà retombés encore plus bas qu’il y a six mois.
Aujourd’hui, nous n’avons plus droit seulement à des entrefilets dans quelques journaux généralistes ; nous nous sommes hissés à la une des journaux spécialisés dans le tourisme (Travel Weekly, Tour Hebdo…).
Après cela, il ne nous restait plus qu’à attendre la réaction de notre gouvernement. Elle est venue par la voix de son chef lors d’un entretien télévisé le 30 mai. Que dit monsieur Hamadi Jebali ? Il s’adresse concomitamment aux syndicalistes, aux malfrats et aux salafistes, et leur dit : « Il ne faut pas prendre notre gentillesse pour de la faiblesse, nous allons sévir ». Que monsieur le chef du gouvernement nous permette de douter de son sens du discernement et de sa capacité de décision.
D’abord, faire l’amalgame entre les syndicalistes exerçant le mandat pour lequel ils ont été élus et, sur le même plan, « les soûlards au bord des routes » et les bandes violentes qui s’attaquent même aux postes de police, c’est inacceptable, surtout de la part de celui dont le travail est de faire respecter la loi et de protéger les biens et les personnes. Cet amalgame est d’autant plus regrettable qu’il nous dévoile encore une fois l’emprise de l’idéologie typique d’un parti conservateur sur les déclarations du chef du gouvernement ; à propos des syndicats, monsieur Jebali a implicitement mis en doute leur utilité en affirmant que les salariés avaient le gouvernement pour les défendre.
Ensuite et surtout, pourquoi monsieur Jebali serait-il plus crédible dans ses promesses d’appliquer la loi aujourd’hui qu’il ne l’a été hier ? Lors de sa rencontre avec les professionnels du tourisme en novembre 2011, à notre question concernant l’attitude qu’il aurait face aux salafistes, il nous a répondu que tout le monde devait respecter « l’esprit républicain » (en français dans sa réponse) ; faute de quoi, assénait-il, la loi serait appliquée.
Depuis, les atteintes à l’esprit républicain n’ont cessé de se multiplier sans que le gouvernement de monsieur Jebali réagisse. Depuis, il y a eu mille et une voix pour alerter sur l’escalade de violence de la part des salafistes, sans recevoir d’autre réponse que les sarcasmes de Zitoun et consorts. D’ailleurs, notre chef de gouvernement ne doit pas ignorer que le slogan scandé dans les réunions desdits salafistes est « Ni loi, ni constitution, seules comptent les paroles de Dieu et de son Prophète » ; comme si la parole de Dieu était contraire à l’ordre et au respect de la loi.
Depuis novembre 2011, qu’est-ce qui a changé, sinon qu’un chef salafiste a pu défier nommément le chef du gouvernement dans un prêche ?
Non, monsieur le chef du gouvernement, vous n’êtes pas plus crédible aujourd’hui qu’hier. Pour citer Senèque, « ce que vous êtes parle si fort que je n’entends pas ce que vous dites »… même si vos paroles sont parfois belles à entendre et vos sourires agréables à voir.
C comme crédibilité
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