Comment ça va mal ?

L’état des réservations chez l’un des plus importants tour operators européens est symptomatique de la dégradation de la situation des marchés touristiques trois semaines après l’assassinat de Chokri Belaïd. En effet, les réservations chez ce grand TO affichent -70% en France, -32% en Belgique et -10% en allemagne. C’est pourquoi, il n’est pas judicieux en ce mois de février, de demander de ses nouvelles à un professionnel du tourisme. « On était au plus bas ; maintenant, on creuse ! » répond, désabusé, un agent de voyages. Un hôtelier connu pour son flegme se mue, lors d’une réunion de la FTH, en agitateur de manif, réclamant à ses pairs « la désobéissance civile » afin de dénoncer l’insouciance de l’Etat envers les malheurs du secteur.
En fait, la mort de Chokri Belaïd est venue sonner le glas pour un secteur déjà malmené par l’agitation qui règne dans le pays, notamment sur le marché français. En France, et selon le baromètre du SNAV, la Tunisie baisse en janvier de 14% en nombre de passagers, et surtout de 13% en volume d’affaires dans un marché en croissance de 1,2% (voir graphique 1).
La semaine suivant l’assassinat de Belaïd a vu chuter la plupart des marchés traditionnels, à l’exception de quelques marchés des pays de l’Est et notamment la Russie (voir graphique 2). Les réservations sont quasiment à l’arrêt, même si les annulations ont été limitées. Aujourd’hui, on assiste à une reprise lente des réservations et notamment sur les marchés allemand et anglais. Pour le marché français, le reste de la saison se jouera à coup de promotions tarifaires et de VDM.

1) Réalisations par destination, mois de janvier
barometre-SNAV

2) Entrées en % par rapport à 2012, période du 11 au 20 février

Grafique-Conjoncture




La situation est grave, mais elle n’est pas désespérée

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La situation du tourisme est-elle seulement grave, ou est-elle désespérée ?

Mohamed Belajouza
Nous venons de tenir notre conseil national hier (le 21 février, ndlr). Les hôteliers sont excédés de voir le climat général du pays et son image se détériorer de jour en jour, alors qu’ils ont pris sur eux de maintenir les emplois et même de confirmer les augmentations salariales convenues avec l’UGTT( augmentations signées le 27 février entre la FTH, la FTAV et l’UGTT). Pour de nombreux hôtels, la situation devient intenable.
Concernant les marchés, la situation est quasiment désespérée pour le marché français. Heureusement qu’il y a d’autres marchés qui se maintiennent ou qui évoluent par rapport à 2012, en occupation et en réservation, comme la Grande-Bretagne par exemple. On peut donc espérer limiter les dégâts moyennant le soutien de ces marchés.
A cet effet, on vient de constituer une commission de suivi entre la FTH, la FTAV et l’ONTT qui initiera des opérations de soutien à nos partenaires TO et notamment à l’aérien, avec un budget du FODEC (fonds de compétitivité financé par les hôteliers et les agences de voyages, ndlr). Ces opérations seront concentrées sur quelques marchés traditionnels comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que sur des marchés d’Europe de l’Est. Le marché russe, par exemple, manque manifestement de liaisons aériennes. Nous pensons que nous devons le stimuler à la hauteur de son potentiel que j’estime à un million de touristes par an, contre 250 000 actuellement.
Ceci dit, il est vrai que le moral des hôteliers est au plus bas et qu’ils doutent de l’engagement du gouvernement en faveur du secteur. Pour avancer, on a besoin de savoir si le pays a encore besoin du tourisme ou non. Ces derniers temps, les décisions qui concernent le secteur se sont prises en dehors des professionnels, et nos interpellations et écrits sont restés sans réponse. Il nous faut donc un changement à ce niveau.
Mais au-delà de tout ce que je viens de dire, le tourisme reste tributaire de deux préalables importants : la sécurité et la propreté des villes . Sans ces préalables, il n’y aura plus de tourisme.

Mohamed Ali Toumi
En dépit des déclarations et des bonnes intentions, le tableau du tourisme tunisien est bien noir, du moins pour les agences de voyages. Ces dernières souffraient déjà, avant la Révolution, du flou juridique concernant l’exercice du métier ; cela a donné lieu à une concurrence déloyale de la part des sociétés de services et d’intrus au secteur, qui ont fait du tort aux agences agrémentées. Le nombre de ces intrus n’a cessé d’augmenter depuis deux ans dans l’indifférence totale de l’Administration. A cela s’est ajoutée la chute de l’activité. Les agences souffrent et trouvent des difficultés à honorer leurs engagements et à payer leur personnel. Il faut rappeler qu’après la Révolution, le ministre du Tourisme de l’époque nous avait appelés à sauvegarder les emplois par patriotisme, avec la promesse de nous aider par des mesures d’engagement. Nous avons maintenu les emplois, convaincus que 2011 était une année exceptionnelle. Mais nous attendons toujours les mesures et aides promises par le Ministère. Tout ce que les agences reçoivent, ce sont les huissiers de justice pour défaut de paiement de la CNSS !
La situation des agences de voyages est difficile, notamment pour celles qui font du réceptif, et plus encore pour les agences du Sud tunisien dont la situation est catastrophique et risque de devenir explosive dans les prochaines semaines.
Il faut encore parler des agences spécialisées dans le MICE (meetings, incentives, congress & events) qui ont vu leur activité s’arrêter complètement. Les agences de Omra ne sont pas mieux loties puisque nous en sommes à quémander un quota qu’on hésite à nous accorder.
Ajoutons que l’activité outgoing souffre de la situation économique du pays. Bref, pour vous donner un chiffre, sur 540 agences adhérentes de la FTAV, aujourd’hui (le 22 février) il n’y a que 15 agences qui ont pu régler leur cotisation.

Que demanderez-vous au prochain ministre du Tourisme ?

M-Belajouza

M. Belajouza
Qu’on laisse les professionnels remplir leur rôle, notamment dans le marketing de la destination, comme le recommandent toutes les études effectuées à ce jour.
Nous réitérons notre position concernant la nouvelle taxe de 2 dinars par nuitée prévue pour la saison prochaine : cette taxe est inapplicable. D’abord, on ne peut pas demander à un client qui a payé la totalité de son séjour et de ses frais à un tour-operator de payer une somme supplémentaire sur place. Ensuite, on a oublié les clients qui effectuent de longs séjours de deux à trois mois en hiver : pour un couple, ils devraient s’acquitter d’une somme qui devient dissuasive pour ce type de séjours. Il faut souligner que cette taxe va aussi grever le budget des Tunisiens, puisqu’il est prévu qu’elle s’applique à eux au même titre qu’aux étrangers. Pour ces raisons et pour bien d’autres, nous refusons cette taxe.

 

M-Toumi

M. A. Toumi
Nous n’avons rien à dire au futur ministre car les dossiers qui nous tiennent à cœur ne concernent qu’un ministre, et donc un gouvernement, qui auront le temps de les traiter, c’est-à-dire cinq ans.
Le futur détenteur du portefeuille du Tourisme ne restera, au meilleur des cas, que sept à huit mois. Ils lui seront à peine suffisants pour se familiariser avec le secteur. Par contre, nous lui demanderons ce que lui compte faire en sept mois – puisqu’il est censé occuper ce poste pour y appliquer un programme. Et même si c’est l’ancien ministre qui est reconduit à ce poste, je lui poserai cette question, et nous réagirons à la lumière de ses réponses.
Ma conviction est que, durant les deux ans écoulés, on n’avait pas besoin d’un ministère. Ce qui a été réalisé l’a été par des privés qui ont bougé pour sauvegarder leurs intérêts. L’argent public dépensé en ministères et autres a été gaspillé pour rien. Le Ministère a servi peut-être à gérer des affaires administratives mais n’a pas eu d’effet sur le plan économique.
Pire, dans certaines missions effectuées à l’étranger, notamment en France, le ministre du Tourisme a desservi le tourisme, notamment à travers ses déclarations maladroites sur les salafistes.
Ceci dit, si j’avais un conseil à donner, ce serait que le futur ministre se concentre sur les textes de lois qui régissent le secteur, puisque la plupart datent de 1973 et sont obsolètes. Nous n’avons même pas de loi pour la vente en ligne.

M. Belajouza
Ce que vient de dire Mohamed Ali Toumi me rappelle la réplique de M. Fakhfakh quand, à sa nomination, nous sommes allés lui exposer les problèmes du secteur. Il nous a dit, en substance, qu’il était de passage et qu’il ne traiterait pas les problèmes qui lui étaient présentés. Plus généralement, je pense que les gouvernements tunisiens des dernières années ont prouvé leur désintérêt pour le secteur. En effet, sur les dix derniers ministres du Tourisme, la durée moyenne d’exercice a été de 10,5 mois ; et le Tourisme représentait pour eux le premier poste ministériel (à l’exception de Mondher Zenaïdi, ndlr). C’est pour cela que j’appelle à ce que le secteur du tourisme soit dirigé par une personne qui ne soit pas soumise aux aléas des changements ministériels, et donc qui ne fasse pas partie du gouvernement. Nommer un PDG à la tête de l’ONTT me semble la solution la plus adéquate.
Enfin, il faut bien nous débarrasser de cette spécificité tunisienne qui consiste à vouloir faire le tourisme sans les professionnels et sans leurs fédérations.

M. A. Toumi
En Turquie, aucune loi relative au tourisme ne passe sans l’aval de Tursam. Chez nous, on fait comme si les professionnels n’existaient pas. Par exemple, un cahier des charges du transport touristique vient d’être mis au point entre les ministères du Transport et du Tourisme ; ils nous l’ont ensuite envoyé le 19 février pour une réponse le 21 février. La FTAV a donc une journée pour étudier le dossier.

Votre union, où en est-elle ?

M. Belajouza
Elle n’attend que la signature finale qui était prévue lors des Assises du Tourisme, mais celles-ci ont finalement été reportées.

M. A. Toumi
L’union intégrera aussi tous les métiers du tourisme. Mais nous avons un grand problème : notre siège, et plus précisément la cession du terrain sur lequel nous avons déjà commencé à le bâtir selon les engagements des gouvernements précédents. Nous ne comprenons pas pourquoi on nous refuse ce qui a été accepté pour d’autres syndicats.




Sur les traces de l’huile d’olive

Bouteille-HuileOlives

Dans nos cuisines et nos arrière-cuisines, les jarres sont remplies à ras bord, les bouteilles pansues alignées sur les étagères. Le jaune liquide dégage encore les arômes intenses des olives fraîches. L’huile d’olive de l’année est reine sur les tables, et se déguste comme un nouveau cru, sur une simple mouillette de pain tabouna.

Mais cette huile, d’où vient-elle ? Que nous raconte son histoire ?
Les vainqueurs des Jeux Olympiques de l’Antiquité recevaient des couronnes d’olivier et des jarres d’huile. Le Coran célèbre non seulement l’arbre mais l’huile elle-même, comparée à la lumière divine émanant d’une lampe dont le « combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental, dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche » (XXIV, 35). Mais c’est la mythologie grecque qui raconte l’origine de l’olivier. Alors qu’Athènes venait d’être fondée et ne portait pas encore ce nom, la déesse Athéna et le dieu Poséidon se disputèrent la suprématie sur cette ville promise à un grand avenir. Pour se départager, ils proposèrent chacun un présent. Le dieu de la mer offrit un cheval prêt à apporter les victoires sur les champs de bataille ; la déesse de la sagesse fit sortir de terre l’olivier, symbole de paix et de patience. C’est ce dernier, porteur de bienfaits plus sûrs et plus durables, que choisirent les habitants de la ville, et celle-ci reçut son nom en l’honneur d’Athéna.

Ce “concours de cadeaux” entre Athéna et Poséidon est représenté sur une mosaïque romaine conservée au musée de Sousse. Avec peut-être une signification politique sous-jacente, car à l’époque, Athéna était protectrice de Thysdrus (El Jem), et Poséidon d’Hadrumète (Sousse). Rien d’étonnant à cela. Hadrumète la maritime tirait sa richesse des produits de la mer, tandis que Thysdrus la terrienne était le grand carrefour du commerce de l’huile d’olive en provenance du Centre et du Sahel. Un commerce qui explique l’enrichissement prodigieux de cette petite ville et ses dépenses somptueuses, comme l’amphithéâtre géant que nous admirons encore aujourd’hui. Au Bardo, la Mosaïque du Seigneur Julius figure un domestique frappant un olivier pour en faire tomber les olives ; sur une autre, représentant Neptune entouré des quatre saisons, la saison d’hiver est symbolisée par un personnage ramassant des olives.

Les premiers habitants de la Tunisie tiraient déjà de l’huile de l’oléastre, l’olivier sauvage – que les Berbères appellent “zabouj”. Ce sont les Carthaginois qui ont perfectionné et développé la culture de l’olivier qu’ils appelaient “zit” ou “zita” dans leur langue sémitique – et qui se nomme aujourd’hui “azemmour” dans les parlers berbères. Quant aux Romains, après avoir conquis et brûlé Carthage, ils ont d’abord négligé les oliveraies pour planter tout le pays en blé – une “assurance vie” contre les disettes fréquentes en Italie. Ce n’est qu’un siècle plus tard qu’ils revinrent à une répartition des cultures plus adaptée aux caractéristiques de chaque région. La paix aidant, la région des Hautes Steppes, autour de Kasserine, se couvrit d’oliviers et la production d’huile y devint quasi-industrielle : jusqu’à vingt pressoirs dans une même usine. Et c’est Sbeïtla, au débouché des Hautes Steppes, qui hérita du statut de “capitale de l’huile”.

A la fin de l’Antiquité, la Tunisie était le premier fournisseur d’huile de tout l’Empire romain. Durant son séjour à  Milan, Saint Augustin a été très étonné de constater qu’on éteignait les lampes le soir pour en économiser l’huile ; alors qu’à Carthage l’huile était si abondante qu’on les laissait allumées toute la nuit.
Malgré les conquêtes des siècles suivants – vandale, byzantine puis arabe – l’huile d’olive resta reine en Tunisie. Sauf que c’est vers Kairouan que convergèrent désormais les revenus de “l’or jaune”. Après la conquête arabe, des voyageurs émerveillés décrivent la Tunisie comme un pays couvert du nord au sud par une immense forêt d’oliviers. Au XIe siècle, le géographe Al-Bekri note : « Parmi les merveilles de Kairouan, on peut signaler l’importance de son oliveraie qui est exploitée en exclusivité pour les besoins de la ville en bois sans subir le moindre dommage. »

Sbeitla_Pressoir
De nombreux restes de pressoirs à huile sont visibles sur les sites archéologiques.
A Sbeïtla, on voit très bien la cuve de pierre et les deux montants qui soutenaient la presse d’une huilerie datant de la fin de l’Antiquité. 

De nos jours, la Tunisie reste le deuxième producteur mondial d’huile d’olive après l’Union européenne. Une production qui la place dans la grande famille des pays méditerranéens. « La Méditerranée court du premier olivier atteint quand on vient du nord aux premières palmeraies compactes qui surgissent avec le désert », écrivait Fernand Braudel.

Si la répartition de l’olivier définit l’espace méditerranéen, la carte des variétés cultivées en Tunisie coupe grosso modo le pays en deux. Au Nord, le territoire de la Chetoui ; au Sud, le royaume de la Chemlali. Sans négliger les multiples variétés locales  comme la Chaâïbi de Nabeul, la Gerboui de Dougga, la Zarrazi du Sud…
De Jendouba à Siliana, de Bizerte à Zaghouan, on cultive essentiellement la Chetoui. Elle donne une huile fruitée dont beaucoup apprécient la saveur piquante, un peu amère, râpeuse au palais. Une verdeur particulièrement prononcée avec de jeunes olives, plus atténuée lorsque les fruits sont cueillis à maturité ; plus marquée aussi quand l’huile vient d’être pressée, et qui s’estompe au fil des mois.
La Chemlali, au contraire, cultivée du Sahel aux régions du Sud en passant par celles du Centre, fournit une huile douce au goût. La variété Chemlali de Sfax est un petit fruit qui ne pèse guère plus d’un gramme ; elle n’en fournit pas moins à elle seule le tiers de la production nationale d’huile d’olive. C’est cet olivier qui s’étend sans fin, en pointillé régulier, planté tous les 24 mètres, dans les plaines monotones autour de Sfax. Du fait de sa haute teneur en acides gras saturés, l’huile de Chemlali fige dès que la température descend en dessous de 12°. Cette huile est plus douce au goût ; cependant celle tirée de la Chetoui est plus riche en acides gras insaturés, ceux qui combattent le “mauvais cholestérol”.

Mais du nord au sud du pays, comme ailleurs en Méditerranée, on a longtemps pressé les olives selon un procédé immémorial. Les olives sont broyées par une meule qui roule sur une cuve de pierre, entrainée par un dromadaire ; les cellules qui composent la pulpe d’olive éclatent et libèrent leur huile. La pâte d’olive est malaxée, puis versée sur des scourtins, des disques en alfa tressé qu’on empile avant de les placer sous une presse. Dès leur empilement, une première huile suinte des scourtins. Puis la presse entre en jeu, le jus qui s’écoule sera recueilli dans un bassin, et décanté pour séparer l’huile de l’eau qui provient naturellement des olives.

A Djerba, d’innombrables huileries souterraines se signalent par leurs larges coupoles à ras de terre. Témoignages du procédé ancien, ces huileries, délaissées à partir des années 1970, sont aussi de superbes architectures avec leur lumière tamisée et leurs voûtes de pierre.
Sous terre, l’atmosphère est comme climatisée, offrant en hiver une température douce et constante. Tout était ingénieusement conçu : les conduits percés dans la coupole, par où chaque famille déversait ses olives ; la grande jarre à décantation enterrée au pied du pressoir…  Même un recoin était spécialement aménagé près de l’entrée pour le dromadaire qui tractait la meule : après l’effort, en sueur, il pouvait se rafraîchir dans cette sorte de “salle de repos” avant d’affronter le froid extérieur.

Il existe encore en Tunisie plusieurs centaines d’huileries “semi-traditionnelles”. Si la méthode est identique, la meule est cette fois actionnée par un moteur électrique, et la presse à vis remplacée par une presse hydraulique. Les grandes huileries disposent quant à elles de chaînes continues où les olives passent par des broyeurs à marteaux, et où l’eau est évacuée par des centrifugeuses. Une eau qui, cette fois, a été ajoutée volontairement à la pâte d’olive. En effet, l’eau tiède – vers 28° –facilite l’extraction de l’huile. La tentation est grande d’augmenter la température de cette eau, ce qui augmente la quantité d’huile extraite ; mais au détriment de la qualité. De même pour la maturité des olives : quand elles sont vertes, elles produisent 11 ou 12 % de leur poids en huile ; avec des olives noires, on atteint 18%, mais l’huile est alors plus acide.
Cependant le processus ne s’arrête pas là. On en demande toujours plus aux olives. Les eaux de décantation, appelées margines, contiennent encore de l’huile qui surnage à la surface et qu’on peut récupérer : elle servira en savonnerie. Le déchet solide, appelé grignons – mélange de noyaux et de pulpe écrasée – est acheté par des sociétés de raffinage qui en tirent encore une huile de qualité inférieure ; le résidu constitue un combustible recherché par les centrales électriques. Les grignons ont d’ailleurs toujours été le combustible de choix des fours de potiers traditionnels.

Entretemps, l’huile d’olive vierge aura pris le chemin de nos tables et de nos cuisines où, comme partout en Méditerranée, elle occupe une place fondamentale. Elle est un élément essentiel de la “diète méditerranéenne”, ce régime alimentaire reconnu pour ses bienfaits sur la santé. Alors qu’en Europe du Nord, elle a longtemps été méprisée : selon les préceptes de l’Eglise, la cuisine au beurre n’était autorisée que pendant les “jours gras” ; pendant les “jours maigres”, on devait se contenter de l’huile…
Ce n’est pas un hasard si la friture est typiquement méditerranéenne, et très courante dans la cuisine arabe comme dans celle de l’Espagne, de la Turquie, du Sud de la France ou de l’Italie. Que serait aujourd’hui notre gastronomie sans la brik, le makroudh, les gâteaux “oreilles du juge” et “cornes de gazelle”, le yoyo et le bambalouni, sans oublier la simple assiette de légumes frits moqli ?

Huilerie-Ben-Yedder
L’huilerie Ben Yedder, à la Mornaguia, ouvre ses portes aux groupes pour des événements et des visites guidées (photos).
On y trouve un domaine de 100 ha planté de 10000 oliviers, une huilerie semi-traditionnelle et une moderne en chaîne continue,
des  possibilités de restauration et d’accueil VIP…
D’autres domaines accueillent des événements, comme Ksar Ezzit, hôtel de charme et huilerie bio, dans la région d’El Fahs.




«Le tourisme est le meilleur moyen de lutter contre le racisme»

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Dans un récent sondage, on apprend que 74% des Français ont peur de l’islam. A quoi cela est-il dû selon vous ?

Hassen Chalghoumi
On vient de passer une année difficile. Il y a eu l’affaire Merah, les déclarations sur la viande hallal ou le pain au chocolat, la guerre au Mali… Tout cela aboutit à ce résultat : les Français ont peur de l’islam. Cela nous montre aussi une méconnaissance de l’islam de la part des Français, qui l’associent à ces groupes de malades extrémistes. La conclusion qu’il faut tirer de ce sondage, pour les musulmans, est de s’ouvrir aux autres et de mieux faire connaître notre religion.

Nous, en Tunisie, on a l’impression que les islamistes qui nous viennent d’Europe sont encore plus dogmatiques que ceux qui vivent ici. A Ennahda par exemple, les “faucons” sont surtout des gens qui ont vécu dans les démocraties européennes. Est-ce l’Europe qui nourrit l’extrémisme religieux ?

H. Chalghoumi
Je partage votre avis, les islamistes d’Europe sont tentés par la surenchère et ont plus de facilité à manipuler les gens. Leur discours comprend plus de politique que de religion. En Tunisie, pays musulman depuis quatorze siècles, la tradition et la pratique musulmane modèrent les positions, et personne ne peut prétendre inventer la religion ou se l’accaparer.

Dans votre cas, vous semblez avoir fait le chemin inverse puisque vous êtes passé du Tabligh – certains disent même du salafisme – à un islam plus ouvert aujourd’hui…

H. Chalghoumi
Là, il y a confusion. On ne peut être tabligh et salafiste à la fois, ce sont deux visions différentes. Bourguiba et Ben Ali n’étaient pas aveugles, ils n’ont pas interdit toute la religion : ils ont laissé le Tabligh et les soufis, pour la simple raison que nous ne mêlons pas la religion à la  politique. Pour le Tabligh, la religion est sacrée, la politique ne l’est pas. Mes études au Lycée Alaoui et à la Zitouna, et surtout l’éducation de mes parents, m’ont rapproché des tablighs et des soufis car ils sont intéressés par les valeurs  morales et non par l’argent. Ils sont ouverts aux autres religions qu’ils nomment « les Gens du Livre », comme il est écrit dans le Coran, alors que d’autres en parlent comme des «  gens de l’enfer ». Avec mes voyages (Syrie, Inde, Iran, Pakistan, ndlr), j’ai mieux connu l’humanité qui est la Oumma dont parle l’islam. L’islam inspire la miséricorde, l’amour et la quiétude et non pas la peur.
En France les gens ont peur de l’islam, et en Tunisie aussi. Le Tunisien était très attaché à sa religion, même s’il ne le montrait pas  publiquement ; aujourd’hui des Tunisiens ont peur de leur religion, et certains vont jusqu’à en changer. Je conçois que changer de religion est une liberté personnelle ; mais je me pose la question de la cause de ce phénomène nouveau en Tunisie, qui n’est autre que la dureté et la violence des pseudo-religieux qui défigurent l’islam.
Puisque votre revue traite du tourisme, je vous dirais que l’islam est porteur des valeurs du tourisme, à savoir l’ouverture et l’accueil de l’autre…

Et pourtant un de nos ministres, qui a démissionné depuis, a cru pouvoir qualifier le tourisme de « prostitution déguisée ».

H. Chalghoumi
L’auteur de tels propos doit souffrir de quelques maladies ou déséquilibres psychiques et doit consulter un médecin. Pour l’anecdote, je vous raconterai l’histoire d’un sous-préfet français que j’ai rencontré il y a un an. Il me disait qu’il avait toujours voté pour la droite extrême parce qu’il n’aimait pas les Arabes et les musulmans. Sur l’insistance de sa femme qui voulait passer des vacances au soleil, il a dû concéder à faire un séjour au Maroc. Durant son séjour, il a été comblé par la gentillesse, la prévenance et les bonnes mœurs des musulmans. A son retour, il a trouvé sur son bureau une douzaine de dossiers de régularisation de Maghrébins et il a donné un avis favorable à tous ! Alors moi, je dis que si le tourisme joue ce rôle-là et peut lutter contre les préjugés, il nous faut encourager le tourisme.
Pour moi, le tourisme est un moyen de contact avec l’humanité. Il peut aussi conduire les gens à changer leur vision sur l’islam. Quand on a visité Kairouan, on ne peut plus dire que l’islam, c’est la barbarie, que les musulmans sont des Ben Laden. C’est le meilleur moyen de lutter contre le racisme et cela aide les musulmans d’Europe.
Et si on a peur que le tourisme touche à nos valeurs ou à notre religion, le problème est en nous, dans notre manque de conviction, et non pas dans nos visiteurs. Certains fanatiques disent que le tourisme n’amène que le haram et les mauvaises mœurs. Ce sont des abrutis, des ignorants qui ne voient que les comportements minoritaires. Mais combien de personnes sont entrées dans l’islam grâce au tourisme ?

Comment avez-vous perçu les déclarations de Manuel Valls et les réactions qui ont suivi de la part de nos ministres ?

H. Chalghoumi
Connaissant Manuel Valls, je peux dire que c’est quelqu’un de très respectueux de l’islam : il a dans sa ville une des plus grandes mosquées de France, il fête avec nous la naissance du Prophète et appelle avec insistance à la formation des imams.

Ce qui a semblé choquer les islamistes ici, c’est l’association entre fascisme et islam. Une telle association vous semble-t-elle admissible ?

H. Chalghoumi
L’islam, non, mais les personnes qui, sous couvert d’islam, appellent à la haine et menacent les gens méritent amplement d’être qualifiées de fascistes. Mais la question que je me pose, c’est l’absence de sagesse politique chez les responsables tunisiens qui ont surréagi, sans penser aux 700 000 Tunisiens vivant en France ni aux 1200 sociétés françaises implantées en Tunisie, pas plus qu’aux touristes français qui aiment venir en Tunisie. A titre personnel, j’ai été triste de ces réactions ; je ne reconnaissais pas la Tunisie.




Accord salarial

L’accord sur les augmentations salariales dans le secteur du tourisme a été signé le 27 février entre l’UGTT et les fédérations professionnelles FTH et FTAV. L’accord reprend les termes de celui conclu entre l’UTICA et l’UGTT, à savoir une augmentation de 6% sur la grille des salaires (salaire de base) et une prime de transport de 10 dinars avec effet rétroactif à partir du 1er mai 2012.




Marina Bizerte : mauvaise pioche

La journée portes ouvertes organisée par la Marina de Bizerte le 27 février était censée préparer le lancement prochain de ce pôle touristique et économique et la mise en service du port de plaisance. Mais les associations qui contestent notamment le volet immobilier de ce projet en ont  fait une journée de protestation contre la marina. Vingt-quatre heures après, et comme par hasard,  c’est une affaire de trafic d’objets archéologiques découverts dans le site du projet et accaparés par des intervenants « étrangers » sur le chantier qui a été révélée par les services de police, et étalée au journal de 20 heures. Manifestement, les responsables du projet font face à une opposition qu’ils ont sous-estimée.

Marina Bizerte en bref

Ce projet au coût de 270 millions de dinars comprend 4 composantes :
– la Marina : 35 ha de plan d’eau, 5000 m de quais offrant 800 anneaux. L’entrée en exploitation est prévue à la fin de cette année ;
– la Résidence Nautilus :  un ensemble haut de gamme de 279 appartements dont les travaux sont assurés par l’entreprise Belge CFE ;
– une croisette : un terrain  20 000 m2 gagné sur la mer accueillera des commerces, un yacht club et un parking souterrain de 500 places. L’entrée en exploitation  est prévue pour 2015 ;
– un chantier naval à 0,5 mile nautique de la marina, et qui attend encore les autorisations administratives.




Nouveau directeur du Marketing à l’ONTT

C’est Faouzi Basli qui devrait remplacer Férid Fetni à la tête de la direction du Marketing de l’ONTT. Férid Fetni quitte l’ONTT et devrait rejoindre la représentation parisienne de Syphax Airlines.




Pourquoi Ennahdha a-t-il choisi l’hôtel César?

Le dernier Majless Choura où Ennahda a décidé l’éviction de Jebali au profit de Laârayedh s’est tenu à l’hôtel César, sur la route de La Marsa. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le choix du lieu où s’est joué l’avenir du gouvernement était inapproprié. En effet, l’hôtel est sous le coup d’une décision de démolition de son extension à l’étage qui comprend justement la salle de réunion, émanant de la municipalité de La Marsa et datant de juin 2011, ainsi que d’une décision de fermeture signée par le ministre du Tourisme d’alors, Mehdi Houas.

A ce jour, ces décisions ne sont pas appliquées car, nous dit le directeur de l’hôtel, M. Debbich, l’hôtel en a fait suspendre l’application en déposant à son tour une plainte contre le Commissaire régional au Tourisme. Lequel Commissaire est, semble-t-il, accusé par l’hôtel de corruption.

A l’ONTT, on se montre peu bavard à ce sujet, même si on s’étonne qu’un hôtel puisse à ce point faire fi des décisions de l’administration au vu et au su de tous. Au-delà de l’imbroglio juridique de cette affaire, à notre tour de nous étonner du choix de cet hôtel par le parti au pouvoir, chantre affiché de « la légalité », prenant ainsi le risque de cautionner la rébellion contre l’administration.

A moins que ce choix d’Ennahda ne soit purement symbolique, pour dire que, cette fois, César-Ghannouchi aura triomphé de Brutus-Jebali…

LM




On tente de tenir en Tunisie et on se développe au Maghreb et en Afrique de l’Ouest

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Où en êtes-vous de vos projets en Tunisie ? Comment subissez-vous la crise actuelle ?

Christian Antoine
Au niveau opération à part nos deux hôtels de Djerba, nous maintenons l’ouverture du Radisson Hammamet prévue pour la saison, nous attendons notre projet de Radisson Tunis à Lafayette. Actuellement, les deux unités de Djerba sont soutenues grâce au groupe UTIC propriétaire des deux hôtels qui soutient le cash flow car surtout durant l’hiver et depuis la révolution l’occupation est très faible. Cela fait deux ans que ça dure ; et il va falloir prendre une décision à propos de la politique du tourisme pour Djerba car nous résisterons difficilement à une troisième mauvaise année. En tant que chaîne internationale, nous avons un plan de développement ambitieux au Maghreb et en Afrique. Nous avions choisi de lancer ce plan à partir de la Tunisie, une destination qui avait beaucoup d’atouts dont la principale était la stabilité. Mais maintenant, on ne sait pas si on peut qualifier la Tunisie de « pays stable »… Malgré notre attachement à la Tunisie, nos projets se poursuivent aujourd’hui au Maghreb et en Afrique. La stratégie touristique actuelle en Tunisie est peu claire et l’on a l’impression qu’on veut freiner ce secteur. La dernière mauvaise nouvelle est celle des taxes sur l’alcool.

Christian-Antoine_2


Sur Djerba, comment gérez-vous cette crise ?

Christian Antoine
Comme je viens de le dire, sur Djerba, en ce début d’année 2013 nous travaillons en sous production. Même si notre partenaire UTIC est un groupe solide, aucune entreprise ne doit travailler en sous production indéfiniment. Pourtant Djerba est facile à commercialiser, à condition d’ouvrir le ciel. Seulement on constate que sur ce plan rien ne change, le monopole de Tunisair est toujours en vigueur. Car il faut bien comprendre la spécificité de Djerba qui, contrairement à Tunis, dépend du charter et donc des TO. Or beaucoup d’entre eux ont, par peur des effets de la révolution, transféré leurs vols sur d’autres destinations en Méditerranée notamment la Turquie. On aurait pu limiter les dégâts et se battre pour améliorer notre occupation s’il y avait cette ouverture du ciel, d’autant plus que Djerba est vraiment un paradis calme, serein  et propice au tourisme.
En ce qui nous concerne, nous étions en discussion avec différents « low cost » en 2010 pour des vols réguliers deux fois par semaine depuis les principales capitales européennes notamment la Suisse. Pour information, 40% des vols sur le Maroc sont des « low cost ». Nous pouvons surmonter ces difficultés si nous ouvrons le ciel sur Djerba tout d’abord car nous avons la capacité hôtelière avec plus  d’une centaine d’hôtels.




TUI : Frenzel s'en va

Michael Frenzel passe la main à Friedrich Joussen à la tête de TUI AG qui détient 56% de TUI Travel. A 49 ans, le nouveau patron du géant allemand découvre le tourisme puisqu’il était jusque-là à la tête de Vodafone Allemagne.