DJERBAHOOD : Erriadh, capitale mondiale du Street Art
Un projet qui suscite l’enthousiasme des médias internationaux, du New York Times à la chaîne Arte…
Le galeriste parisien Mehdi Ben Cheikh peut dire qu’il est en train de réussir son pari : créer à Djerba un musée idéal du Street Art – un projet gigantesque, et une première mondiale. Depuis juin dernier, plus de 100 artistes venus du Chili, des Etats-Unis, du Japon, d’Afrique du Sud ou encore d’Arabie Saoudite se succèdent pour peindre fresques et graffiti sur les murs du village d’Erriadh.
En attendant son inauguration officielle le 20 septembre, le village métamorphosé attire déjà les curieux. Et, surtout, des journalistes du monde entier. Au 31 août, Mehdi Ben Cheikh se réjouissait de compter déjà 400 articles dans la presse internationale consacrés à son projet baptisé Djerbahood. « On s’est donné pour objectif d’atteindre les mille articles », confie-t-il. Déjà, l’événement a été relayé par le New York Times, Télé Matin et bientôt Le Monde, la chaîne Arte…
En haut : œuvre de Liliwenn (France).
Mehdi Ben Cheikh, organisateur du projet Djerbahood. A droite, œuvre d’Ethos (Brésil).
Fondateur d’Itinerrance, une des rares galeries d’art consacrées au Street Art, Mehdi Ben Cheikh s’est acquis l’an dernier une renommée mondiale en organisant la “Tour Paris 13” : une tour, vouée à la démolition, entièrement couverte de fresques et de graffiti et qui a accueilli plus de 30 000 visiteurs en un mois. Outre la renommée mondiale, il en a tiré un énorme carnet d’adresses parmi les journalistes.
« Après la Tour 13, tout le monde s’attendait à ce que je fasse une autre tour et j’ai reçu d’innombrables propositions. Mais cela ne m’intéressait pas de refaire la même chose. Le concept de Djerbahood me permet de transiter toute cette publicité sur la Tunisie. De plus, c’est hyper intéressant pour les artistes car ils interviennent sur une architecture inhabituelle : des voûtes, des coupoles… », raconte-t-il.
Pour mener à bien son projet, il a pu compter dès le début sur le soutien de l’ambassadeur de Tunisie en France, Adel Fekih : « C’est lui qui m’a toujours sauvé ! », dit-il. Quelques mécènes privés tunisiens ont aussi apporté une précieuse aide financière et logistique. Le plus dur à convaincre aura été le ministère du Tourisme, qui a fini par promettre une enveloppe de 120 000 dinars.
Un parcours où les œuvres se fondent dans leur environnement…
Ci-dessous, Awel Diaz (Porto Rico), Swoon (USA)……et à droite : Roa (Belgique), un “hors-piste” dans les ruines de Ksar Ben Ayed, à quelques kilomètres d’Erriadh.
« Il faut comprendre qu’on est en train d’innover : une exposition permanente à cette échelle, ça n’a jamais été fait », s’enthousiasme Mehdi Ben Cheikh. Le Street Art est aujourd’hui un mouvement artistique à part entière, passé de la marginalité à la respectabilité. C’est ainsi qu’un des participants à Djerbahood, le Tuniso-Français eL Seed, a déjà décoré un mur de l’Institut du Monde Arabe à Paris, des foulards et des valises pour Louis Vuitton…
Ce mouvement soulève aussi un énorme intérêt médiatique. De plus, « chaque artiste compte 100 000 à 1 million de fans » sur les réseaux sociaux, insiste Mehdi Ben Cheikh. Et justement, les artistes participant au projet ont été conquis par l’expérience. Certains ont fait 27 heures de voyage pour passer quelques jours à Djerba, et tous ont trouvé « géniaux » le pays et ses habitants.
L’artiste eL Seed au travail sous le regard des enfants d’Erriadh.
Si on associe parfois le graffiti au vandalisme, le projet Djerbahood, au contraire, est très organisé. Munis d’une autorisation émanant du ministère du Tourisme, les organisateurs ont requis l’accord de la municipalité et de chacun des propriétaires avant de confier à chaque artiste un ou plusieurs murs, en fonction d’une logique d’ensemble. Ils imprimeront des plans pour les visiteurs, et disposeront des éclairages pour créer une animation la nuit. Cela encouragera l’installation de restaurants, de cafés… « comme en Espagne ou en Italie, où on trouve une animation nocturne formidable dans certaines petites villes loin de la mer », rêve Mehdi Ben Cheikh.
Quel sera l’avenir de Djerbahood ? « S’il y a la volonté du côté tunisien, on continuera à envoyer régulièrement des artistes », promet son organisateur. Une petite structure sur place s’occupera de gérer l’hébergement, d’attribuer les emplacements… Les œuvres seront protégées par un vernis. Elles pourront durer, comme elles pourront être détruites et remplacées par d’autres…
Le Street Art est par nature un art de l’éphémère. Mais si les Tunisiens le souhaitent, Djerba restera inscrite à jamais dans l’histoire de ce mouvement actuellement sous le feu des projecteurs du monde entier.
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Effet boule de neige : le peintre Tahar Mguedmini, venu “en voisin”, s’est joint au mouvement de Djerbahood avec deux œuvres réalisées incognito.