Il était une fois l’Abou Nawas

Si la chaîne Abou Nawas n’existe plus, son esprit est toujours présent, perpétué par les innombrables “ex-Abou Nawas” qui font le tourisme d’aujourd’hui. Exhibé dans les discours ou dans les CV, le nom de l’Abou Nawas fait office de référence quasi académique pour l’hôtellerie en Tunisie. Une grande école qui a vu naître les premiers manuels de procédures, les premiers manuels de formation – que ce soit pour les directeurs d’hôtels ou pour les animateurs –, la première charte graphique et de communication… Une véritable chaîne “à la tunisienne” comme il n’en existe pas jusqu’à aujourd’hui. Pour la mémoire, et un peu par nostalgie, nous sommes allés à la rencontre de quelques-uns de ces “ex” (lire leurs témoignages) et publions quelques photos d’époque.

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L’histoire de l’Abou Nawas est celle d’une coopération arabo-arabe – tuniso-koweitienne en l’occurrence – qui a longtemps fait rêver, avant de se fracasser sur le mur de la politique arabe. Une histoire d’amour qui a fini mal, spécialement pour son plus illustre PDG, Ahmed Al Ibrahim, qui a subi l’expulsion de Tunisie sous la pression des autorités koweitiennes.
Tout commence le 20 octobre 1976. Le Consortium Tuniso-Koweitien de Développement (CTKD) est alors créé avec un capital à majorité koweitienne. Dans la foulée, le CTKD crée l’agence Abou Nawas Travel et la Société Abou Nawas de Gestion Touristique (SOGES), du nom du premier hôtel acquis, l’Abou Nawas Gammarth.
Sous la férule d’Ahmed Al Ibrahim entouré d’Abdelwaheb Soua à l’exploitation, Faouzia Belajouza aux finances et Raouf Ben Amor à l’animation et la communication – et bien d’autres grosses pointures comme Arbi Belkhadi aux Achats, Mokhtar Abid à la Direction Technique,  ou Annick Mahjoub au Marketing – la SOGES s’est retrouvée au fil des investissements et des partenariats avec vingt hôtels (voir ci-dessous). Quelques-uns figurent encore aujourd’hui parmi les meilleures unités du pays, même s’ils portent désormais d’autres enseignes.
L’épopée n’a pas survécu à la Guerre du Golfe. En effet, pour punir l’Etat tunisien de sa position jugée pro-irakienne, l’Etat du Koweit a décrété l’arrêt des investissements en Tunisie. Un ordre qui n’était pas du goût d’Ahmed Al Ibrahim, Koweitien marié à une Tunisienne et Tunisien de cœur, qui est allé jusqu’à s’associer avec des investisseurs saoudiens pour mener à son terme le projet de l’hôtel Le Palace à Gammarth. Un geste qui lui a valu d’être arrêté et expulsé de Tunisie. Ce départ sonnait le glas de la chaîne Abou Nawas, les successeurs d’Ahmed Al Ibrahim, comme Motlak Essanaie, ne pouvant empêcher l’inéluctable fin.

Que reste-t-il de l’Abou Nawas ?
Mais si la chaîne fait désormais partie de l’histoire du tourisme tunisien, son esprit est toujours présent à travers ses ex-cadres. En effet, ces derniers sont partout : à la tête de société de gestion hôtelière, directeurs d’hôtels, directeurs financiers, marketing ou des ressources humaines, cuisiniers ou même jardiniers. On les reconnaît d’abord à leur tenue. Tous, ou presque, sont toujours tirés à quatre épingles, un peu guindés comme s’ils portaient un uniforme. Ils parlent souvent de procédures, et confessent volontiers que « ça devrait fonctionner autrement ». Ces “ex-Abou Nawas” qui font aujourd’hui le bonheur des hôtels tunisiens restent liés par leur ancienne appartenance. Ils agissent parfois comme un réseau informel qui a ses codes et ses solidarités, y compris parmi les plus jeunes. Si un bilan de l’expérience Abou Nawas devait être établi, cet “esprit d’appartenance” figurerait certainement à son actif.

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