Sale temps pour l’hôtellerie
« Le potentiel du tourisme est toujours là, mais on ne peut rester longtemps sans engager les réformes nécessaires. Il y a tellement de réformes à mener, mais l’ambiance n’est pas propice. » Le président de la FTH, Radhouane Ben Salah, exprime son désarroi dû notamment au « manque de visibilité pour le pays qui se répercute sur le tourisme ».
Tout en concédant que la conjoncture n’est pas alarmante pour le secteur – puisque la forte baisse du marché français est quelque peu rééquilibrée par l’augmentation prévisible des réservations des marchés britannique et allemand, aussi bien pour l’hiver que pour l’été 2014 – il souligne le danger qu’il y aurait pour les hôteliers à subir plus longtemps la situation actuelle. « Pour le même chiffre d’affaires, la rentabilité est divisée par deux, à cause de la quasi stagnation des prix de vente et surtout de la hausse vertigineuse des coûts », souligne-t-il.
Ce danger, on commence déjà à en entrevoir les conséquences avec les fermetures d’hôtels pour cause de difficultés financières qu’on espère seulement saisonnières. Ils viennent s’ajouter à la centaine d’hôtels endettés obligés de passer sous les fourches caudines de l’AMC, la future société de gestion d’actifs (lire notre article de décembre 2012).
Les traditionnels bons élèves de notre hôtellerie ne sont pas épargnés. Certains sont contraints de “se mettre à l’abri” d’une franchise de chaîne étrangère – comme c’est le cas du Sultan Hammamet rejoignant la chaîne Sentido – ou d’un contrat de gestion pour compte qui leur est moins favorable qu’il n’aurait pu l’être avant 2011. Quant aux hôtels sous contrat de location, ils subissent la pression de leurs locataires pour baisser le loyer. Pire, certains propriétaires n’arrivent plus à retenir la chaîne locataire, même au prix d’une baisse drastique du loyer comme cela a été le cas avec le Club Med à Hammamet.
Radhouane Ben Salah, président de la FTH, et Mohamed Belajouza, PDG de la chaîne Seabel.
Il est vrai que de rares hôteliers résistent à ce “bradage forcé”, mais ils ne sont pas légion. C’est le cas de la chaîne Seabel qui a préféré mettre fin à la location de l’hôtel Aladin Djerba plutôt que de réviser son loyer. Mohamed Belajouza, PDG de la chaîne, ne voit dans cette décision « aucune bravoure » mais « une question de principe ». Et pourtant il a été contraint ensuite de fermer l’hôtel (jusqu’au mois d’avril 2014) à cause de l’effondrement du marché français, principal pourvoyeur de clients de l’hôtel.
On est donc bel et bien en face d’une dépréciation de notre patrimoine hôtelier. La ruée des chaînes internationales telles que Hilton, Mariott et autres Four Seasons sur les hôtels de ville ou les resorts le prouve plus qu’elle ne l’infirme. Ces chaînes sont mieux placées que d’autres pour “flairer les bonnes opportunités” et prendre des options (qu’elles peuvent toujours annuler) au moment où les prix sont en baisse.
Au vu de cette détérioration, l’immobilisme de l’administration détonne. La seule réforme de l’Open Sky, dont l’ajournement n’a pu empêcher la descente aux enfers de Tunisair, aurait pu apporter une clientèle nouvelle, et donc un répit, pour des régions comme Djerba dont le manque de liaisons aériennes est patent. A titre de comparaison : en Espagne, l’Open Sky s’est accompagné d’une fidélisation de la clientèle et d’une progression des dépenses moyennes par séjour. Marrakech a vu exploser le nombre des palaces et des hôtels 5 étoiles depuis l’Open Sky.
Nous, en bloquant l’accord Open Sky prétendument pour sauver Tunisair, nous aurons la faillite de Tunisair et celle de nos hôtels. On s’étonne de ne pas voir les hôteliers plus revendicatifs pour la mise en place d’une telle réforme. Sans oublier celle de l’ONTT, qu’on désespère de voir se réaliser un jour.
Sale temps pour l’hôtellerie et pour les hôteliers.