Entretien avec Wahida Djaït : retour au pragmatisme
Entretien avec Wahida Djaït, Directrice Générale de l’ONTT. Après des mois de tâtonnement, l’administration du Tourisme semble renouer avec le réalisme. Un retour au pragmatisme d’antan qui se traduira par une concentration des moyens sur les réseaux de vente, le soutien à l’aérien et les relations publiques.
Cela fait six mois que vous êtes à la tête de l’ONTT. A quoi les avez-vous passés, et pour quel résultat ?
Wahida Djaït
Il faut commencer par rappeler qu’à mon arrivée, l’ONTT vivait dans un climat social particulièrement tendu ; j’ai dû très vite rencontrer les syndicats et notamment le plus représentatif parmi eux, à savoir l’UGTT. Il a fallu d’abord se faire accepter par le syndicat pour lever les appréhensions qu’il avait à l’égard de ma nomination, et entamer le dialogue ensuite. Ainsi, on a pu calmer les esprits et éviter les dérapages ou les grèves en plein été. Cela n’a pas été facile, mais j’estime qu’on a réussi à établir des relations correctes et je dirais même cordiales.
Pour ce qui est de la promotion du tourisme, j’ai dû en quelque sorte prendre le train en marche… Il me restait une certaine latitude pour influer sur le cours des choses, notamment pour le last minute, et essayer de sauver ce qui pouvait l’être.
Vos propos laissent supposer que la situation au mois d’avril était des plus catastrophique, alors que le climat politique et social était de loin meilleur que celui qui a prévalu en 2013…
La situation était fragile et on était sous la menace d’un retournement de situation à n’importe quel moment. Ce qui n’a pas manqué de se réaliser avec l’affaire des croisières ou le problème des ordures, notamment à Djerba, dont nous n’étions pas directement responsables. Ces affaires ont non seulement causé du tort à la destination mais nous ont obligés, pour atténuer leur effets, à gaspiller une énergie qu’on aurait pu mieux utiliser pour préparer la saison.
Sans remettre en question vos efforts, nous observons un grand décalage entre les déclarations et les réalisations sur le terrain. Nous observons que l’ONTT ne sait plus assurer ne serait-ce qu’un accueil à l’aéroport, comme cela a été le cas pour les invités des Tunisia Awards…
Vous ramenez cette défaillance à l’ONTT, alors qu’elle est due au comité d’organisation dont un seul des membres appartenait à l’ONTT ; de plus, à la direction du Produit et non pas à la direction des Relations publiques dont c’est le travail. Cette décision a été prise par Mme la Ministre dans l’intention, louable, de motiver les jeunes, mais il leur a manqué l’expérience de ce type d’événements. Personnellement, j’avais proposé une autre composition du comité d’organisation, mais la décision finale ne me revenait pas à moi.
Revenons au bilan. Qu’est-ce que l’administration a fait concrètement pour limiter les dégâts sur le marché français ?
Si vous voulez parler d’un soutien concret aux opérateurs pour les inciter à prendre le risque sur la destination, il est vrai que nous ne l’avons pas fait pour la simple raison que notre représentation en France n’avait pas de budget pour ça. Il est vrai aussi que les difficultés de Tunisair l’empêchaient de prendre plus de risques sur la France. Cependant, il est plus opportun de parler de ce que nous avons décidé de faire aujourd’hui, notamment après la réunion des représentants tenue récemment à Tunis. Pour tous les marchés et plus particulièrement sur le marché français, nous avons décidé de concentrer nos efforts sur les relations publiques et les réseaux de vente. Pour ces derniers, nous ciblons cinq régions de France avec 1300 points de vente des principaux réseaux, à savoir Sélectour/Afat, Havas et Thomas Cook.
Il a donc fallu tâtonner pendant tout ce temps pour revenir aux bonnes vieilles méthodes…
Il s’agit pour nous de réoccuper le terrain après l’avoir négligé, et de le faire avec plus de professionnalisme et de synergies entre le PR et les actions envers le réseau de vente et le soutien à l’aérien. Ce dernier est inscrit dans nos actions des deux années à venir. Nous le ferons selon nos moyens et l’importance que revêt pour nous chaque ligne à soutenir. Mais nous ouvrons la négociation avec nos compagnies aériennes et d’autres pour décider le degré de notre soutien et la forme qu’il pourrait prendre. Personnellement, je ne conçois pas le soutien à une ligne sur un mois ou deux mais plutôt sur trois ans. Soutenir une ligne aérienne signifie pour nous un plan triennal comprenant aussi le lancement d’actions en PR et auprès des réseaux de vente pour remplir les vols.
Dans ce cadre, nous étudierons avec les fédérations professionnelles les marchés prioritaires auxquels nous devons apporter notre soutien. Il est d’ores et déjà question de l’Italie avec la mise en place d’un Milan-Djerba, de la France notamment pour Tozeur, et des pays scandinaves avec notamment une ligne sur Copenhague pour l’hiver 2015.
Pour résumer, notre nouvelle approche consiste à réajuster nos budgets entre la publicité institutionnelle et le reste des actions pour nous laisser une marge de réaction selon l’évolution des marchés. Cette approche, nous l’appliquons déjà pour la fin de cette saison avec le lancement en France d’une campagne de relations publiques. Son thème est l’énergie des Tunisiens, à travers les portraits de Tunisiens qui agissent et bougent dans divers secteurs. Je me déplace cette semaine [interview réalisée le 13 octobre] en France pour y apporter les dernières retouches. Nos actions commenceront donc avant les élections et continueront après pour dire que la Tunisie avance et continuera à avancer.