Marché canadien : en attendant la relance
ENTRETIEN AVEC ISSAM KHEREDDINE ET FARIDA HENNI, O.N.T.T. MONTREAL. Avec 16900 entrées en 2010 et seulement 9700 en 2014, le marché canadien a beaucoup reculé en quatre ans. Un recul qui a profité essentiellement à la Grèce et la Turquie. Malgré un budget en baisse, l’Office du tourisme à Montréal tente d’inverser la tendance sur ce marché plus porteur qu’il n’y paraît, centré sur les longs séjours et la clientèle senior.
Le marché canadien a baissé de 42% par rapport à 2010. Comment l’expliquez-vous ? Comment voyez-vous son évolution durant les années à venir ?
Issam Khereddine, Directeur de l’ONTT Montréal
Depuis un an, le marché est en augmentation [de +0,7%, voir le bilan de l’année 2014] : en 2014, il n’a pas baissé, malgré la conjoncture et le manque de financement. En effet, nous avons moins de budget qu’avant 2007, la publicité conjointe a été abolie. Tout se passe comme si l’administration considérait le marché canadien comme un petit marché. Quant à la baisse par rapport à 2010, elle s’explique par la situation surtout sécuritaire. Ici, les gens y sont très attentifs et le site gouvernemental était très sévère concernant la Tunisie.
Farida Henni, chargée de Relations publiques
Récemment encore, des restrictions très sévères ont été émises après ce qui s’est passé dans le Sud. Mais en 2014, nous avons pu stabiliser le marché et arrêter le saignement en rassurant nos partenaires TO, réseau de ventes, compagnies aériennes ainsi que les médias. Concernant l’importance du marché canadien, qui faisait 17 000 entrées en 2010, il faut souligner qu’il représentait 170 000 nuitées car ces vacanciers partent en hiver pour au minimum deux semaines. Certains restent six mois : jusqu’en 2010, des gens achetaient des appartements en Tunisie pour y séjourner, et les mettaient en location l’été. Il s’agit essentiellement de baby-boomers, de retraités, une clientèle qui adore la culture et qui dépense. En 2010, les Canadiens ont apporté 21 millions de dinars de recettes. Leurs dépenses sur place représentent en moyenne 2000 dollars par séjour.
I. Khereddine Même si tout est en stand-by tant que la situation politique n’est pas éclaircie, nous sommes très optimistes pour les années qui viennent. Nos partenaires le sont aussi. Mon expérience sur d’autres marchés m’a montré que l’important était la qualité des actions menées, même si nous sommes pénalisés par le budget. Depuis janvier 2014, nous avons mis en place un plan d’action très agressif. Ainsi, nous sommes à l’écoute du réseau de vente qui est le miroir de la destination et qui véhicule son image. Quand un client se rend dans une agence, c’est l’agent de voyage qui décide à 99% du choix de la destination.
F. Henni Nous avons aménagé dans nos locaux une salle pour donner une formation sur la destination Tunisie, et nous démarchons les écoles et universités pour qu’elles nous envoient leurs futurs diplômés en tourisme. Nous sommes le seul office de tourisme au Canada à le faire. Nous avons aussi instauré un programme pour recueillir par téléphone les appréciations des anciens clients de la Tunisie, grâce à des listes fournies par les TO. Ces derniers n’ont pas lâché la Tunisie, ils ont seulement gelé la destination et continué à participer avec nous à des opérations ; et cette année déjà, certains ont repris.
Quelles sont les destinations concurrentes qui ont profité de la baisse de la Tunisie ?
F. Henni J’avais pensé que ce serait le Maroc, mais à mon étonnement, notre flux touristique a été récupéré par la Turquie et surtout la Grèce. Nos clients habituels ont retrouvé en Grèce l’ambiance et le climat qu’ils aimaient en Tunisie. Et l’ouverture par Turkish Airlines de vols directs sur la Turquie a créé un intérêt chez les Canadiens pour cette nouvelle destination.
Quel a été l’impact de l’ouverture, puis de la suppression du vol direct de Syphax Airlines ? Qu’en est-il du vol direct de Tunisair annoncé, semble-t-il, pour l’automne 2015 ? [voir aerotunisie.com]
I. Khereddine Le vol de Syphax a fait beaucoup plus de tort que de bien, et c’est la destination qui a perdu. Nous avions soutenu cette compagnie, nous l’avons fait participer à toutes nos actions promotionnelles. Mais les choses ne se sont pas passées selon nos espérances. En ce qui concerne Tunisair, nous attendons encore les clarifications. Dernièrement, leur représentant était présent sur notre stand à Toronto, ce qui est un bon signe.
Montréal en hiver. Les Canadiens voyagent de septembre à mai et privilégient les longs séjours, la culture et les circuits vers le Sud.
Quelles sont les caractéristiques du marché canadien et plus particulièrement québécois ?
I. Khereddine En été, les Canadiens restent chez eux car le climat est très agréable et Montréal offre de nombreuses animations. La période de voyage s’étend de septembre à mai. Les Canadiens ne voyagent pas idiot. En Tunisie, ils apprécient l’usage de la langue française, la culture, l’histoire. Ils font surtout des circuits, notamment au Sud, et pour les périodes de repos privilégient les régions de Hammamet et Sousse-Port El Kantaoui. Ils séjournent essentiellement dans des hôtels de 3 à 5 étoiles, mais certaines catégories se tournent vers les hôtels de charme, le tourisme responsable, les circuits en voiture de location.
Le tourisme médical est très développé, essentiellement vers Cuba, la République Dominicaine et le Costa Rica. Nous avons organisé en janvier 2014 un voyage de presse sur le tourisme médical et la thalassothérapie en Tunisie, et participé à trois salons spécialisés. Nous organisons un autre voyage fin mars sur ce thème, avec la participation d’équipes de télévision. Les gens sont très intéressés de savoir qu’on pratique en Tunisie toutes sortes d’interventions, comme l’implantation d’iris. Et les interventions peuvent coûter quatre à cinq fois moins cher qu’au Canada.
F. Henni En 2010, beaucoup de TO disaient que la Tunisie allait remplacer la Floride auprès des baby-boomers car elle offre plus de diversité et de dépaysement. Et pour le tourisme médical, le système de santé tunisien a ici très bonne réputation et les Canadiens lui font confiance.
I. Khereddine Nous sommes en train d’organiser une grande opération promotionnelle pour début septembre. Il s’agit d’un voyage VIP sur le thème “mode et tourisme” autour d’un défilé du célèbre styliste canadien Yves-Jean Lacasse et d’un spectacle avec une soprano canadienne. Il pourrait se dérouler au musée du Bardo. Nous comptons aussi impliquer les stylistes tunisiens et les écoles de mode, assurer une large couverture médiatique à cet événement. Il y aura au minimum une vingtaine d’artistes invités et nous comptons sur l’effet des réseaux sociaux pour intéresser leurs fans à la destination.
F. Henni Qui dit mode dit artistes, création, innovation, et il n’y a pas mieux qu’un artiste pour parler d’une destination. Nous aurons un magicien et différents artistes qui parlent à des millions de personnes dans leurs shows.
I. Khereddine Nous programmons aussi un voyage pour une cinquantaine d’agents de voyages de l’ACTA, probablement en novembre. Cette opération aurait dû avoir lieu en 2014, sur le vol direct de Syphax Airlines – nous avions déjà effectué un voyage de prospection – mais la compagnie nous a laissés de février à juin sans nous donner de réponse officielle, et elle n’a pas pu être réalisée.
GM