Méchants TO ?

Conjoncture oblige, les TO lèvent le pied sur la destination. Est-ce une raison pour en faire des boucs émissaires ?

 

Les TO, ce sont ces gens qu’on adore détester. Pour une partie de nos hôteliers, ils sont des gens très utiles : ils servent à cacher leur propre incompétence. En effet, contre toutes les règles de la commercialisation des hôtels qui préconisent que les TO soient une source de clientèle parmi d’autres (individuels, MICE…), un mal nécessaire qu’un hôtelier avisé se doit de limiter, beaucoup de nos hôtels continuent à tout faire par et pour les tour-operators… pour s’étonner ensuite de leur poids dans la vie de leur établissement.

En 2015, nous avons encore des hôtels sans direction commerciale ; il existe même des chaînes d’hôtels où c’est “le patron” qui “fait le commercial”. En 2015, il existe encore des hôtels qui ne vendent pas une seule nuitée sur internet. Et pour un marché aussi concurrentiel que le tourisme, un marché dont les 30 dernières années ont été marquées par la concentration des TO et des agences de voyages, nous avons un secteur dominé par des PME qui, de crise en crise, s’arcboutent à leur statut “d’hôtels indépendants”, à l’encontre du bon sens qui a poussé les hôtels indépendants en Europe à se constituer en chaînes volontaires.

La politique de l’Etat en la matière n’était pas plus inspirée. De crise en crise, notre administration n’a légiféré que pour plus d’hôtels indépendants – notamment avec la fameuse loi des “jeunes promoteurs” – et n’a pensé à aucun moment à encourager le regroupement, ne serait-ce que celui touchant à la commercialisation.

Pire, d’année en année, notre administration a “reporté” un accord sur l’Open Sky pour mieux protéger la rente d’une entreprise dont l’Etat est actionnaire, à savoir Tunisair, avec pour résultat de mieux asservir notre hôtellerie aux TO. Résultat probable de cette myopie si elle perdure encore : on perdra à la fois Tunisair et l’hôtellerie.

Histoires drôles

Mais revenons à nos hôteliers. Parmi eux, deux viennent de nous servir la semaine dernière des histoires des plus drôles. On en rit (jaune) encore.

La première est celle d’une chaîne trop vite grossie qui a cru bon d’annoncer en France pouvoir « court-circuiter les TO » en lançant deux sites internet et deux call-centers pour vendre ses chambres en direct (lire l’article de Tourmag). En fait de sites internet, il s’agit en réalité d’un site en cours de construction, avec des photos de banque d’images et des parties en faux texte, et d’un autre qui n’existe pas.

Ainsi donc, au moment où les TO français (mais aussi les chaînes hôtelières) investissent des dizaines de millions d’euros pour leurs sites internet, notre hôtelier compte les faire trembler avec deux bouts de ficelle. Le pire, c’est que les responsables de cette farce embarquent l’ONTT dans leur galère en annonçant : « Nous sommes désormais en discussion avec les autorités tunisiennes pour qu’elles nous aident à communiquer et, éventuellement, nous subventionnent ». Que dire aux TO et agences de voyages français après de telles inepties, sinon qu’il faut en rire.

Personnellement, je n’en dirai pas plus pour ne pas recevoir un huissier de justice, comme ce fut le cas dans les années 90 à cause d’un article des plus innocent intitulé « Il faut sauver le timeshare » et mettant en cause l’un des protagonistes de cette histoire de sites internet…

La seconde histoire drôle concerne une autre chaîne hôtelière, qui vient annoncer à un des leaders mondiaux du tour-operating qu’elle augmenterait l’année prochaine ses tarifs de 20%. La réponse dudit TO a été que les prix de cette chaîne seraient désormais gelés, et que cela lui coûterait 10 000 euros pour figurer dans n’importe laquelle de ses brochures.
20% d’augmentation de prix d’un coup et après un attentat, quel manque de discernement commercial… On ne peut s’empêcher, en écoutant cette histoire pas vraiment “drôle”, de se remémorer Bourguiba rétorquant à Kadhafi au Palmarium, en 1975 : « Vous défiez l’Amérique ? Eh bien je vais vous dire ce qu’elle vous fait l’Amérique : elle vous donne une raclée ».

S’il était encore vivant, le même Bourguiba aurait sans doute dit à nos hôteliers : « Il ne faut pas que les TO soient pour vous ce qu’est Israël pour les Arabes : un alibi facile pour cacher votre manque de cohésion ».

 Lotfi Mansour