La grande crise du tourisme que nous vivons, et vivrons encore quelques années, sonne le glas d’un modèle de tourisme périmé depuis longtemps, et dont les quatre années de kakistocratie suivies des attentats du Bardo et de Sousse ont accéléré la mise à nu.
Les décisions et les non décisions de ces dernières années ont abouti à une destination caractérisée par un quadruple paradoxe :
1/ une dépendance aux tour-operators et aux forfaits de voyages classiques qui n’a cessé d’augmenter, dans un marché mondial où la part de ceux-ci n’a cessé de diminuer au profit des forfaits dynamiques ;
2/ des cadres tunisiens dont les compétences et le savoir-faire sont recherchés par les entreprises de tourisme du monde entier, et des entreprises recroquevillées sur la destination Tunisie où elles se livrent une guerre de prix sans merci ;
3/ un tissu d’entreprises essentiellement composé de PME familiales et d’hôtels indépendants, dans un marché dominé par de grands groupes et qui n’en finit pas de se concentrer ;
4/enfin, un secteur essentiellement entre les mains des entreprises privées, mais dont les performances dépendent encore de celles de l’administration : la répartition des compétences public/privé reste floue et souffre du manque de légitimité des organisations professionnelles.
Le résultat en est un tourisme en déclin continu dans un marché international en continuelle croissance. Y remédier nous impose d’explorer les 4 axes de réforme suivants :
1/ s’ouvrir au marché des forfaits dynamiques en hâtant les négociations sur l’Open Sky avec la communauté européenne. La restructuration de Tunisair ne peut justifier la destruction du tourisme tunisien indispensable à la reprise économique du pays ;
2/ encourager nos entreprises notamment hôtelières à s’internationaliser, plus particulièrement sur les marchés maghrébins et d’Afrique subsaharienne. Dans ce sens, la seule bonne nouvelle de ces derniers jours est la signature par une société tunisienne de gestion hôtelière, Vendôme, dirigée par d’anciens cadres de la chaîne Abou Nawas, de deux contrats de gestion hôtelière, l’un en Algérie (un 4 étoiles de 140 chambres et suites) et l’autre au Tchad (un 5 étoiles de 273 chambres et suites) ;
3/ encourager nos entreprises au regroupement sous une forme commerciale (chaînes volontaires) ou logistique (création de centrales d’achats, de centrales de réservation…). Des solutions qui ne touchent pas à la propriété de l’entreprise et préservent l’indépendance à laquelle tiennent tant les propriétaires ;
4/ hâter la réforme de l’ONTT et conditionner la participation active des professionnels à la décision par la création de l’UTMT (Union des métiers du tourisme) et une réforme en profondeur de la FTH.
C’est à ce prix que nous pourrons prétendre à notre part d’un secteur qui représente plus d’un tiers du commerce mondial des services, et qui devrait fournir 219 millions d’emploi d’ici 2019.
Lotfi Mansour
kakistocratie (du grec ancien κακιστος (“pire”) avec le suffixe -cratie (“gouvernement”) : le Gouvernement des pires personnes ou des personnes considérées comme particulièrement médiocres.
Une entreprise hôtelière tunisienne qui s’internationalise :
la société Vendôme vient de signer deux contrats de gestion hôtelière en Algérie et au Tchad.