Ton départ du ministère du Tourisme n’est pas une fin… Au contraire : c’est le début d’un long chemin que tu dois parcourir pour nous réconcilier avec notre identité, notre « exception culturelle » à nous.
Tu as déjà débroussaillé le terrain en faisant prendre conscience aux nouvelles générations qu’un Tunisien juif est d’abord un Tunisien.
En France, les « tunes », longtemps moqués par les autres juifs du Maghreb, n’ont-ils pas en vérité été jalousés pour leur bonhommie, leur jovialité qui frise parfois l’exubérance ? Bref, pour leur tunisianité, qu’ils s’entêtent à exhiber à la manière d’un Michel Boujenah qui reçut un jour cet hommage en guise de reproche : « Arrête de dire que tu es tunisien, cela se voit tellement ! ».
Oui, un juif tunisien est d’abord un Tunisien ; mais ne peut-on pas aussi dire que tout Tunisien pourrait être “un juif qui s’ignore”, tant nos racines sont entremêlées ?
Au-delà des “vérités d’historiens”, la Tunisie nouvelle n’a-t-elle pas besoin que chacun se mette à la place de l’autre, ne serait-ce qu’un instant ? Il t’est bien arrivé à toi, René, de présenter une idée que tu jugeais géniale en disant : « J’ai eu une idée de juif ! » car c’est ce que diraient beaucoup de tes compatriotes musulmans qui n’ont pas toujours ton humour.
Quoi qu’il en soit, la Tunisie nouvelle a besoin de retrouver ses parties d’elle-même qu’elle semble vouloir ignorer ; des minorités parfois privées des plus basiques des droits, comme ces Tunisiens noirs, chez toi à Djerba, qu’on continue à vouloir enterrer dans un cimetière séparé.
J’en viens maintenant à mon souhait : présente-toi aux prochaines élections législatives pour être le porte-voix de ces minorités sans voix. Tu serais le candidat d’une Tunisie apaisée et réconciliée avec elle-même.
En attendant, le nouveau gouvernement serait bien inspiré de te proposer le titre d’ambassadeur de bonne volonté pour servir l’image du pays, comme tu sais si bien le faire. Tu pourrais aussi créer une association pour servir ce même objectif, laquelle association s’appellerait, comme il se doit, “Tunisie mon amour”…
A toi de voir laquelle de ces voies te conviendrait le mieux, mais… ne nous quitte pas.
Lotfi Mansour