Si les ministres étaient absents au vernissage de la manifestation Djerbahood, la réussite, elle, était bien au rendez-vous.
On ne s’attardera pas sur les raisons qui ont motivé l’absence des ministres du Tourisme et de la Culture à la journée d’inauguration de Djerbahood. On constate simplement que le pari de Mehdi Ben Cheikh d’en faire une manifestation internationale et populaire à la fois est un pari gagné.
Réunir les habitants d’un village de Djerba, des artistes, des amateurs d’art et des journalistes du monde entier autour d’œuvres de Street art était une gageure sur laquelle on n’aurait pas parié un dinar. Un projet qui n’aurait jamais pu voir le jour, si ce n’était l’obstination d’un galeriste et le soutien de quelques mécènes qui ont compris tout de suite l’intérêt de ce projet pour l’image du pays.
(Lire notre article sur Djerbahood)
Parmi ces mécènes, le monde du tourisme était bien représenté : Jamel Mzabi et René Trabelsi étaient parmi les premiers soutiens à ce projet, des hôtels y ont contribué aussi (Seabel, Radisson…). Sans oublier le rôle décisif de l’ancien ambassadeur de Tunisie à Paris, Adel Fekih, et de l’homme d’affaires et ancien ministre du Tourisme Mehdi Houas. Ce dernier nie avoir eu un quelconque mérite à figurer parmi les premiers soutiens de Djerbahood : « La crédibilité du projet et de Mehdi Ben Cheikh ne me laissaient pas le choix », s’amuse-t-il à dire aujourd’hui.
C’est donc à une vraie fête populaire qu’on a pu assister en guise de vernissage. Les invités se sont mêlés aux touristes tunisiens, et les chants improvisés se mélangeaient aux slogans de manifestants venus de Houmt-Souk clamer leur colère contre le gouverneur de Médenine. Le résultat en a été un village sublimé, devenu l’espace de quelques heures lieu de détente et d’entente entre tous. « C’est la première fois que je me sens en vacances à Djerba », nous a avoué un hôtelier de l’île, tandis qu’un Djerbien confessait : « J’avais oublié que la place de l’Indépendance était aussi belle ».
Cette place, plantée d’arbres et bordée d’une jolie arcade, semble à présent promise à une nouvelle vie car des projets de restaurants et de boutiques y sont en cours. Ils s’ajouteront aux nombreux gîtes et maisons d’hôtes d’Erriadh (Dar Bibine, Safran…), aux nouvelles boutiques d’artisanat et de design (Hara’In, Dyghet), à la boutique-galerie d’art qui vient d’ouvrir ses portes (G2L Concept Store, dont la façade s’est ornée d’un superbe “calligraffiti” de l’artiste eL Seed grâce à Djerbahood), au nouveau marché bio, sans oublier l’hôtel de charme Dar Dhiafa… Le village semble donc bien en voie de gentrification, ce processus par lequel un quartier ancien, réhabilité, devient à la mode et attractif pour de nouvelles populations.
Ainsi, en plus de l’objectif artistique de faire de Djerbahood le plus grand musée à ciel ouvert au monde, Mehdi Ben Cheikh a réussi un pari social et touristique auquel il n’était pas tenu. On pourra peut-être dire un jour qu’un galeriste parisien a vu plus loin que des ministres, et que des privés ont permis d’accomplir ce dont l’administration a été incapable.
Des éclairages ont été spécialement disposés le long du parcours.
Sur la Place de l’Indépendance, une animation improvisée. Le vernissage a été une occasion de rencontres, de mélanges… et pour une manifestation contre la crise des déchets…
Avec sa superbe arcade, la Place de l’Indépendance est le cœur du village.
L’organisateur, Mehdi Ben Cheikh, a répondu à la presse entouré de deux de ses principaux soutiens, Adel Fekih (à g.) et Mehdi Houas.
Khemaïs Boubtan et René Trabelsi, deux fidèles défenseurs de Djerba…