Si l’ONTT se doit d’être au service de la bonne marche du secteur et de faire preuve de la plus grande souplesse dans l’application de la réglementation, il ne peut se muer en gendarme et encore moins devenir le souffre-douleur de professionnels en mal d’idées.
Photo : réunion hier 8 janvier sur la question des hébergements alternatifs entre le Ministre du Tourisme, Habib Ammar, et des représentants des professionnels en présence du DG et de cadres de l’ONTT ainsi que de responsables du Ministère de l’Agriculture.
Peut-on demander à l’ONTT une chose et son contraire ? La réponse de l’association Edhiafa, nouvellement membre de la FTH, est un « oui » détonnant et étonnant. Ce « oui » a pris la forme d’un communiqué de presse reprochant à l’administration du Tourisme son « laisser-faire » vis-à-vis de la prolifération des hébergements alternatifs non agréés et mettant « en exergue le grave danger que posent ces structures », tout en appelant l’administration à accélérer l’octroi des agréments à ces mêmes établissements non agréés. Faut-il rappeler que ces contrevenants à la loi ne relèvent pas de la compétence de l’administration du Tourisme, mais de celles de l’Intérieur et de la Justice ?
Par ailleurs, et comme preuve de l’incohérence supposée de la législation actuelle, Edhiafa cite par exemple les autorisations de servir les boissons alcoolisées (qu’il faudrait bannir ?). En gros, selon Edhiafa, les hébergements alternatifs tunisiens doivent pouvoir bénéficier d’un traitement autre que celui des hôtels et restaurants classiques en Tunisie – et aussi ailleurs, puisque même en France la distribution de boissons alcoolisées par les chambres d’hôtes est soumise à une licence spécifique, elle-même conditionnée par le suivi d’un stage de formation.
Le plus étonnant est la demande d’Edhiafa de « contrôles neutres et objectifs » de la part de l’administration du Tourisme. De tels contrôles, s’ils sont effectués, ne risquent-il pas d’aboutir à la fermeture d’un bon nombre d’établissements agréés qui ne respectent pas l’article 3 de la loi sur les maisons d’hôtes ? En effet, ce fameux article stipule que « par hôte, il est entendu le propriétaire ou l’occupant légal de la demeure qui cohabite avec le client ». Combien de propriétaires de maisons d’hôtes agréées répondent à cette exigence de cohabitation ? Ou bien faudrait-il aussi l’abolir ?
Last but not least, Edhiafa dénonce le fait que « certains types de structures d’hébergement rural (les gîtes ruraux, ndlr) dépendent encore du Ministère de l’Agriculture ». Ceci équivaut ni plus ni moins qu’à demander le changement de la vocation des terrains agricoles abritant les gîtes ruraux. N’est-il pas plus raisonnable d’appeler à la création d’autres types d’hébergements ruraux qui n’empiètent pas sur les terres agricoles ni ne bétonnent nos campagnes, comme le voudrait une démarche de tourisme responsable et durable ? (et ainsi de lutter contre « l’exclusion touristique », lire notre article).
Tourisme durable qu’Edhiafa ne mentionne même pas une seule fois, lui préférant la notion d’« hébergements touristiques de petite taille » (cité 4 fois). Une référence à la taille qui a l’inconvénient de nous rappeler la mauvaise expérience des hôtels « Nouveaux promoteurs », lancée à la fin des années 90. Voulus comme de petits établissements à gestion familiale, ces derniers ont abouti à une pâle copie des hôtels existants.
Les fédérations et associations professionnelles ne peuvent pas demander à l’ONTT de jouer au gendarme, ni de donner une couverture touristique à tous les “affairistes” du pays ; mais ils peuvent lui demander de créer de nouvelles catégories d’hébergement, comme le “locatif touristique meublé”, pour développer l’offre dans certaines régions.
En France, le concept de chambre ou maisons d’hôtes existe depuis 1969, et il a fallu attendre 2007 (comme en Tunisie) pour la publication d’une loi organisant le secteur. Une loi qui n’a pas empêché la prolifération des hébergements non agréés, et qui a amené le syndicat hôtelier (UMIH) à intenter en 2013 des procès à 50 de ces établissements pour concurrence déloyale, et à 25 autres pour non-inscription au registre du commerce. Qu’est-ce qui empêche Edhiafa d’intenter de tels procès aux établissements non agréés pour préserver les intérêts de ses adhérents ?
Autant dire, donc, que si l’ONTT doit hâter la simplification des procédures d’octroi des agréments, les accélérer et même clarifier quelques dispositions de la législation actuelle, il est primordial que l’Office du tourisme reste insensible à des appels qui ne feront que dénaturer un concept mûri depuis une vingtaine d’années (évoqué en Conseil ministériel en septembre 2003, Mondher Zenaidi était alors Ministre du Tourisme et du Commerce). Tant il est de la responsabilité de l’ONTT de préserver l’esprit de cette législation, et notamment son article 3, avec lequel on touche à l’essence même – ainsi qu’à la dénomination – du concept de “maisons d’hôtes”.
Lotfi Mansour