Afrique : demain le Tourisme
Et si le développement du tourisme en Afrique passait par celui des marchés domestiques et du tourisme interafricain ? Déjà, l’essor actuel des hôtels d’affaires en Afrique semble in fine le résultat de l’augmentation de la clientèle africaine, qui avoisine désormais 2/3 du marché contre seulement 1/3 il y a dix ans.
L’Afrique peut s’enorgueillir d’un réel développement de son tourisme. Si on se réfère aux chiffres de l’année 2014, qui était un bon cru pour le tourisme africain, notre continent a bénéficié de 65 millions d’arrivées internationales pour une recette de 43,6 milliards US$ ; à comparer avec les 17 millions d’arrivées en 1990.
Cependant, à y regarder de plus près, les performances de notre continent sont en-deçà de son potentiel réel. Les arrivées y représentent à peine 5% des arrivées dans le monde et, en termes de recettes, l’Afrique ne peut rivaliser avec l’Espagne qui, à elle seule, affichait la même année 49,3 milliards d’euros, soit quelque 59 milliards de dollars de recettes pour un nombre équivalent d’arrivées.
Le Burkina Faso (en haut : la Tanzanie)
Manque d’infrastructures, risques sécuritaires, faiblesse de la promotion… les explications avancées à ce « sous-développement » touristique de l’Afrique sont nombreuses, et leur pertinence souvent réelle. Cependant, on ne relève pas suffisamment deux faiblesses majeures du tourisme africain :
- faiblesse des marchés intérieurs des destinations africaines ainsi que du tourisme interafricain,
- faiblesse de la segmentation des produits touristiques africains.
Des faiblesses qui contrastent avec l’évolution du tourisme mondial, et surtout avec le potentiel des pays africains.
Pour s’en convaincre, prenons l’exemple du segment Incentives. Un segment qui reste inexploré, ou seulement effleuré par quelques rares destinations (Afrique du Sud, Maroc, Egypte et Tunisie) malgré un potentiel immense : sites naturels ou historiques, culture et traditions d’une grande richesse et même des hôtels de haut standing (chaînes internationales ou africaines). Il ne manquerait que les structures adaptées tant privées que publiques (agences de voyages spécialisées, Incentives houses, cellules spécialisées au sein des offices du tourisme…) et des budgets de promotion dédiés.
Dans ce cas précis, la clientèle ne serait pas exclusivement européenne ; une demande africaine existe bel et bien. Déjà, des entreprises du continent ou implantées dans les pays africains « allient l’utile à l’agréable » en choisissant une destination africaine où elles opèrent déjà, ou envisagent d’opérer. Et on peut légitimement prévoir une inversion de la structure de la clientèle, comme celle qui s’est opérée au niveau des voyageurs d’affaires dont les deux tiers proviennent désormais du continent contre seulement un tiers il y a dix ans.
La multiplication des liaisons aériennes interafricaines et le développement des échanges commerciaux interafricains plaident aussi pour un tel développement.
Quid alors du tourisme d’agrément interafricain ? Le flux touristique interafricain n’est pas condamné à rester à son état embryonnaire actuel, ni à se limiter à quelques niches comme le tourisme de santé. Une récente étude du Cabinet Deloitte* conclut à « l’émergence d’une classe moyenne, stimulant ainsi la demande de produits de consommation, de services et de produits de luxe » ; une classe moyenne qui compterait en 2060 quelque 1,1 milliard d’individus, contre seulement 355 millions en 2010. A charge pour les agences de voyages africaines et leurs fédérations de saisir les opportunités qui s’offrent à elles.
LM
*La consommation en Afrique. Le marché du XXIe siècle. Juin 2015.