Tourisme : Loi de finances, ou comment désespérer les patriotes

Il y a quelques semaines, le Président de la République faisait une déclaration solennelle devant le Ministre du Tourisme sur la nécessaire diversification du secteur, et exprimait son souci de voir les revenus du tourisme rester dans le pays et non entre les mains des tour-operators… Des propos qui nous donnaient l’espoir qu’enfin «les choses allaient changer». Qu’on allait enfin traiter le tourisme réceptif selon son mérite d’apporteur de devises. Qu’enfin on allait mettre de l’ordre dans la promotion de nos produits.

Mais depuis cette déclaration, rien, sinon une Loi de finances punitive «بوه على خوه».

En effet, la stratégie définie par le Président de la République comportait deux axes essentiels : promouvoir un tourisme digne, basé sur les nombreux atouts du pays insuffisamment exploités, et faire en sorte que l’argent du tourisme tunisien reste en Tunisie – ce que les économistes du Tourisme appellent «limiter les fuites».

Or le gouvernement et le Ministère des Finances ne semblent
pas entendre les choses de la même oreille que le Président lui-même.

En effet, l’ONTT est aux abonnés absents quand les agences
de voyages s’occupent en majorité de Omra et d’outgoing pour dépenser des
devises chèrement acquises tout en profitant du statut d’entreprise touristique.
La promotion de la thalassothérapie est toujours confiée au ministère de la Santé,
le tourisme des jeunes est entre les mains du Ministre des Sports. Ce même
Ministre des Sports qui se lamentait, à raison, il y a quelques mois, que
certains jeunes tunisiens ne connaissaient pas leur pays ou n’avaient jamais vu
une plage. Qu’a-t-il fait pour que cela change ? Rien. Même pas une seule
nouvelle auberge de jeunesse, des auberges dont le nombre n’a pas bougé depuis
des décades.

Pourtant j’avais modestement fait une proposition à l’administration du Tourisme pour la création d’un concept d’Auberge de Tourisme à «petit budget», s’adressant aussi bien au marché local qu’international, avec un cahier des charges spécifique et des mesures pour encourager les investisseurs nationaux et étrangers ; à l’instar de ce qui se passe dans certains pays européens qui se partagent un marché de 300 millions de touristes jeunes.

Cette mesure faisait partie d’un rapport pour sécuriser le
tourisme tunisien et le rendre moins dépendant de la conjoncture internationale,
avec comme mesure phare l’adoption des chèques vacances pour les ménages tunisiens
à revenus limités. Des chèques qui seraient pris en charge, notamment, par les
employeurs, et dont une partie des revenus irait au Tourisme social pour que le
plus grand nombre de Tunisiens puissent connaître leur pays et leurs hôtels, et
non pas seulement les voir à la télévision et accumuler les frustrations.

Et qu’est-ce qu’on a fait à la place ? Des discours démagogiques qui ne font qu’augmenter la frustration des Tunisiens. Un harcèlement moral des entreprises du tourisme, désignées comme responsables de cette même frustration. Pire, au harcèlement moral on ajoute un harcèlement fiscal indiscriminé selon le principe «si ce n’est toi, c’est donc ton frère» ; les bons payeront pour les mauvais.

N’est-il pas temps de réconcilier le Tunisien avec un secteur clef et d’avoir une politique fiscale conforme à nos objectifs touristiques, et en premier lieu, garder en Tunisie les revenus du tourisme ? Une telle politique viserait à favoriser les agences de voyages qui font du réceptif, c’est-à-dire qui font entrer des devises dans les caisses de l’Etat. Une telle politique ne désavantagerait pas les quelques hôteliers courageux qui se passent des enseignes étrangères et, par là-même, ne génèrent pas des transferts de devises à l’étranger pour «management fees», «rapatriement des bénéfices ou des salaires» et autres. Une politique fiscale qui responsabiliserait les propriétaires et les pousserait à prendre en charge la gestion de leurs unités plutôt que de la confier à une entreprise étrangère.

A ce propos, il faut rappeler que le seul hôtel à afficher
le meilleur label de qualité au monde (Leading Hotels of the World) est un
hôtel à enseigne et gestion tunisienne.

D’autres hôtels dans de nombreuses régions s’échinent à garder leur indépendance vis-à-vis des grands tour-operators et groupes multinationaux. Dans cette «guerre pour l’indépendance», l’administration fiscale et celle du Tourisme devraient être leurs premiers alliés. Une telle politique stopperait l’hémorragie de devises et les «fuites» d’argent dont est victime le tourisme. Des fuites qui se font le plus légalement du monde puisque l’hôtel, le réceptif et l’avion sont entre les mains d’entreprises étrangères, et puisque nous promouvons les voyages à l’étranger : nous organisons même des salons pour ça.

En appuyant nos entreprises, nous ne ferons que marcher dans
les pas de nos concurrents européens qui font tout pour que leurs candidats aux
voyages choisissent de rester chez eux ; et s’ils optent pour une
destination autre, l’argent qu’ils dépensent doit retourner au pays à travers
leurs tour-operators, leurs compagnies aériennes et leurs hôtels implantés un
peu partout.

C’est ainsi que l’Espagne, dans les années 90, voyant se développer le désir de ses citoyens de voyager à l’étranger a mis en place un programme de plusieurs milliards d’euros pour «l’internationalisation des entreprises du tourisme». Une aide qui s’est traduite par l’implantation, y compris en Tunisie, des Melia, Tryp et autres. Nous n’avons certainement pas les moyens d’une telle politique mais nous pouvons au moins nous abstenir d’accabler nos entreprises méritantes. Des entreprises presque toutes gérées par de vrais professionnels, dont certains ont hérité non seulement des hôtels mais aussi du patriotisme des pères fondateurs.

Cela fait presque deux ans que j’ai quitté le journalisme pour
me consacrer à la création d’un organisme de promotion de la Tunisie en tant
que destination pour le tourisme d’affaires et les congrès, le Tunisia
Convention Bureau. Un organisme que je réclamais à longueur d’articles. Il
fonctionne aujourd’hui grâce à l’apport financier des hôtels et agences
réceptives spécialisées. C’est ce même organisme qui vient d’organiser une
journée de promotion du Tourisme d’affaires en Tunisie (le Tunisia MICE Day) entièrement
financée par les
professionnels (100 000 dinars).

Par cette création, nos professionnels démontrent leur
capacité à se prendre en charge et à assurer la promotion du pays ; et surtout
leur capacité à réussir en moins de temps et avec beaucoup moins de moyens que
des programmes financés et portés à bout de bras par les bailleurs de fonds
étrangers.

Il y a
urgence car tous, et notamment les agences réceptives (DMC), ne
résisteront pas longtemps à l’appel des pays concurrents pour s’y installer.
Maroc, Dubaï… certains Tunisiens ont déjà franchi le pas. Comment résister
quand l’Autorité du tourisme de Dubaï vous envoie un chèque de 20 000$ à chaque
opération MICE réussie ?

Nous avons le tourisme que mérite notre stratégie et
celle-ci semble se limiter à des discours. Notre problème est que nous oublions
qu’une stratégie est avant tout une allocation de moyens, et des arbitrages
budgétaires au service d’une vision. Nous oublions qu’une stratégie s’applique
par et pour les entreprises, seules véritables actrices économiques du secteur,
seuls lieux de création de PIB et donc de croissance.

La cascade de taxes indiscriminées (il existe même une taxe de 2% sur le chiffre d’affaires TTC, donc une taxe sur la taxe, à laquelle on veut ajouter une autre taxe de 3% sur le chiffre d’affaires HT) prévues dans la nouvelle Loi de finances finira par décourager les plus patriotes parmi les entrepreneurs du tourisme. Si elle ne les pousse pas à s’expatrier, elle les poussera dans les bras de groupes étrangers pour devenir de simples rentiers puisqu’ils n’auront plus les moyens d’assurer ni l’entretien de leurs unités, ni la coûteuse promotion à l’étranger en dehors du diktat des conglomérats européens.

Si certains de nos décideurs semblent ne pas «aimer» les patrons tunisiens, on peut leur promettre qu’ils vont adorer les futurs propriétaires étrangers de notre secteur.

Lotfi Mansour
Consultant en Marketing Touristique

letourismemagazine.com est le blog de Lotfi Mansour




Stratégie, objectif, Kaïs Saïed et Hannibal

Stratégie par-ci, stratégie par-là… tant d’années à se
gargariser avec ce mot qu’on a oublié qu’il ne désigne que les moyens à mettre
en œuvre pour atteindre un objectif. Et quel était cet objectif ?

Il fut un temps où la réponse était : “amélioration de
la rentabilité du secteur, doublement des recettes par touriste”. Ce qui met “la
recette par touriste” au centre des indicateurs d’évaluation de l’action des
acteurs du tourisme, et les produits à haute valeur ajoutée comme le MICE, la
thalasso ou le golf en tête de nos priorités. Au lieu de cela, on préfère
continuer à parler exclusivement des entrées et des réservations de la haute
saison, et notre stratégie se voit réduite à la taille de nos budgets,
c’est-à-dire peu de chose.

Alors on s’aligne comme un seul homme derrière un ersatz de
stratégie appelé “Tounes Wejhatouna” que finance l’Union Européenne. Lequel
programme ignore superbement les produits à haute valeur ajoutée pour nous
entrainer sur les sentiers (les “routes” ?) d’un tourisme durable qui ne
durera que le temps des financements dont il a la gestion.

Quand on suit l’actualité du tourisme et du pays, on ne peut qu’être frappé par le paradoxe qui nous fait dire non au FMI, et oui à un programme qui s’acharne à nous parer du label “durabilité” pour plaire à des clients qui ne verront sur place que l’accumulation de déchets. Un programme qui se soucie comme d’une guigne de l’ACCEPTABILITE du tourisme par le Tunisien, laquelle acceptabilité passe par un programme de développement du tourisme local, meilleur garant d’un tourisme acceptable parce que partagé par le plus grand nombre, et meilleure sécurité pour le secteur contre les soubresauts de la conjoncture (lire notre article : la myopie des décideurs).

Mais revenons à notre recette par touriste : la création du Tunisia Convention Bureau pour la promotion de la Tunisie en tant que destination MICE est une démonstration de la primauté de la volonté sur les “moyens”. Le TCB est, en effet, créé par des professionnels qui ne comptent que sur leurs moyens propres (إمكانيات ذاتية comme dirait le Président de la République). Des professionnels dont l’objectif est de remettre la Tunisie sur la carte du MICE international et qui sont en train de l’atteindre grâce à la mise en commun de leurs petits moyens.

Et ce n’est pas un hasard si le mot d’ordre du TCB s’inspire
du plus grand des stratèges, le général carthaginois Hannibal Barca : “Nous
trouverons un chemin, sinon nous en créerons un”.

Lotfi Mansour

Cet article exprime l’opinion personnelle de son auteur, letourismemagazine.com étant devenu le blog de Lotfi Mansour comme annoncé en juin 2022.




TCB, c’est parti !

Le TCB nouvellement constitué a tenu sa première réunion publique pour présenter ses objectifs et ses modalités de fonctionnement. En attendant d’autres réunions prévues dans les régions en vue de rallier le plus grand nombre de professionnels du MICE.

La première réunion publique du Tunisia Convention Bureau s’est tenue aujourd’hui 4 mai 2023 au Laico Tunis en présence de M. Moez Belhassine, Ministre du Tourisme, de la présidente de la FTH, Dorra Miled, et de son collègue de la FTAV, Ahmed Bettaieb, devant de nombreux professionnels du MICE.

Cette rencontre a permis la présentation du site tunisiaconventionbureau.com, en ligne depuis le 1er mai, et de préciser le contexte de la création du TCB, les conditions de son efficacité ainsi que les modalités de son fonctionnement.

Ainsi, le Ministre du Tourisme a situé la création du TCB
dans l’approche globale de partenariat public/privé (PPP) qu’encourage
l’administration. Mme Miled, de son côté, a insisté sur l’apport du secteur
MICE à l’hôtellerie tunisienne tant en termes de revenus que pour atténuer les
effets de la saisonnalité de son activité.

M. Bettaieb a souligné pour sa part la complémentarité entre
la FTAV et le TCB, gage d’une coopération fructueuse pour les deux parties.

Un mode de fonctionnement équitable

Wiem Radhouane, présidente du TCB, a plaidé pour une adhésion des professionnels du MICE au TCB : « Si, pour des raisons pratiques, nous avons été un petit nombre d’hôteliers et d’agences de voyages MICE à nous charger de la création juridique du TCB, sa véritable création doit se faire avec le plus grand nombre de professionnels et d’acteurs du MICE » a-t-elle précisé.

Les professionnels présents ont semblé convaincus des
objectifs du TCB et de la pertinence des actions envisagées. Ils ont porté
leurs questions sur le mode de fonctionnement du groupement et son équité
vis-à-vis de ses membres. Les réponses à ce sujet de la part des responsables
du Convention Bureau semblent avoir emporté l’adhésion du plus grand nombre.

Ainsi, il a été précisé par Lotfi Mansour, Directeur Exécutif, que le TCB est une structure égalitaire de par la forme juridique GIE et de par ses choix statutaires. Notamment :

  • devenir membre du GIE, c’est en devenir « actionnaire ». Ainsi le paiement de la cotisation d’adhésion entraine (par décision de l’AG) une intégration au GIE en tant que membre au même titre que les fondateurs ;

  • de par les statuts, les membres du TCB ont tous les mêmes droits et obligations. L’exercice de ces droits et obligations sera spécifié dans le règlement intérieur qui sera écrit par tous les membres, anciens et nouveaux, d’ici le mois d’août, un délai nécessaire à la participation de tous ;

  • par définition, un GIE ne peut exercer l’activité de l’un de ses membres. De plus, la séparation entre la gérance (Comité Directeur) et la gestion opérationnelle (Direction Exécutive assurée par un consultant) est à même de garantir l’égalité entre les membres.

Après cette rencontre, l’équipe du TCB compte en organiser d’autres, notamment à Sousse, Hammamet et Djerba.




TCB : “Notre volonté est de relancer le MICE, notamment à l’international”

Entretien au journal Le Temps avec Lotfi Mansour, Directeur Exécutif du GIE Tunisia Convention Bureau, publié le dimanche 12 février 2023.

Le Temps : Vous avez activement contribué à la naissance du Tunisia Convention Bureau en compagnie de nombreux professionnels Tunisiens du MICE. La création de ce Convention Bureau signe-t-elle le grand retour du MICE en Tunisie ?

Lotfi Mansour :Notre volonté et celle de nos partenaires, notamment l’ONTT, est de relancer le MICE, notamment à l’international dans la foulée du retour du marché après le COVID. Cette relance passe par une structure fédératrice qu’est le TCB, lequel ne pouvait exister sans la mobilisation des professionnels du secteur.

La vraie bonne nouvelle, avec la naissance
du TCB, c’est que les professionnels se mettent enfin ensemble pour replacer la
Tunisie sur le marché du MICE, non pas par des discours mais à travers un plan
d’action concret. C’est une première qui mérite d’être soulignée. L’autre bonne
nouvelle est que nos hôtels et agences spécialisées n’ont pas cessé d’investir
malgré la chute du marché MICE ces 10 dernières années. C’est ainsi que la
destination offre de nouvelles belles unités équipées pour le MICE dans
beaucoup de régions, et que nos agences sont capables d’organiser les réunions
en virtuel ou en hybride comme en présentiel.

Pourquoi le choix de René Trabelsi, président d’honneur du TCB ?

D’habitude, ce poste honorifique est créé
pour profiter du prestige ou du réseau d’une personne du domaine. Au TCB, nous
visons également à profiter de l’expertise de René Trabelsi, notamment dans
l’aérien, et de sa présence en Europe. De plus, le TCB sera amené à défendre la
candidature de la Tunisie pour l’accueil de grands évènements ou congrès et M.
Trabelsi a démontré qu’il sait être un bon avocat pour son pays. Vous comprenez
que, pour nous, la question qui se posait était de savoir s’il accepterait ou
non de nous sacrifier un peu de son temps, et il a accepté sans hésitation.  

Quel est l’objectif de l’organisation de Tunisia MICE Day ?

Les professionnels tunisiens vivent au
rythme des salons et workshops internationaux qui restent la meilleure occasion
de rencontrer en nombre et en direct des acheteurs étrangers. Le Tunisia MICE Day
ambitionne de devenir ce type de rendez-vous annuel où les acheteurs (ainsi que
les journalistes) étrangers viennent en Tunisie pour juger sur place de l’offre
du pays, via un programme de visites de 2 jours, et pour rencontrer leurs
homologues tunisiens. Le Tunisia MICE Day est aussi un colloque où seront présentés
les résultats d’une enquête annuelle que nous réaliserons ; et il est enfin
une soirée de gala où seront décernés les prix Challenge MICE pour les
meilleurs opérateurs du secteur. C’est donc un important vecteur de promotion
du MICE en Tunisie.

Où se positionne la Tunisie aujourd’hui pour l’accueil des congrès et d’événements ? Est-ce une destination d’affaires ?

Elle est loin d’exploiter tout son
potentiel, d’autant plus que les crises du tourisme en général et la faiblesse
de notre budget de promotion ont entrainé une concentration des efforts sur les
produits grand public. Il ne faut pas se leurrer : la Tunisie est plus une
destination d’incentives que de congrès. Tunis ne figure pas et ne figurera pas
de sitôt dans le Top 25 de l’ICCA (International Congress and Convention
Association) dans lequel Dubaï, par exemple, malgré ses atouts et ses
investissements, ne figure qu’au 21e rang mondial (classement 2022).
D’ailleurs, le TCB compte bien devenir membre de l’ICCA qui est une sorte de
club mondial des organisateurs de congrès. 

L’offre hôtelière est-elle suffisante quantitativement et qualitativement pour attirer de grands événements internationaux ?

Sur les 10 dernières années, le
fléchissement de l’activité MICE est intervenu dans un contexte d’augmentation
de la capacité d’accueil et de réunions dans de nombreuses régions et notamment
Tunis, avec souvent des enseignes internationales (Mövenpick, Hilton,
Mariott, Anantara etc.) et donc des standards de service internationaux. Non,
s’il y a manque, il est peut-être du côté des centres de congrès dans certaines
régions. Cependant, l’offre s’évalue aussi en termes de sites naturels ou
historiques que nous avons et que nous n’exploitons pas suffisamment :
l’amphithéâtre de Carthage ou celui d’El Jem, le fort de Hammamet ou même la
Table de Jugurtha sont de magnifiques sites d’événements dont la capacité
d’accueil se chiffre en milliers de personnes. A Tunis, la capacité actuelle
pour les congrès, en dehors des salles des hôtels, reste sous-exploitée ;
c’est le cas de la Cité de la Culture avec son théâtre de 1 800 places et ses
divers autres salles et espaces d’exposition. A défaut d’un Convention Center
en bonne est due forme, Tunis dispose quand même d’une salle modulable de 5000
m2 au Parc du Kram, d’une salle de 1500 places au centre de l’UTICA,
et bien d’autres.

L’infrastructure, le manque de personnel compétent et l’environnement handicapent souvent la tenue de grands congrès en Tunisie…

Je remarque que vous êtes focalisé sur
« les grands congrès »  pour lesquels
la concurrence se joue souvent entre les grandes capitales d’affaires telles
que Barcelone, Berlin, Vienne ou Paris. La Tunisie joue dans une autre
catégorie mais ne manque pas de cartes à jouer, notamment pour les incentives
et les réunions de taille moyenne. Pour le secteur de la santé par exemple (premier
pourvoyeur de congrès en Europe, 20% du volume total), la Tunisie ne manque pas
de professeurs et de médecins de renommée pour plaider sa cause. Quant à l’environnement
dans certaines agglomérations, c’est certainement un handicap auquel il faut
remédier.

On parle peu du MICE en Tunisie. Y a-t-il une stratégie pour restructurer cette niche au ministère du Tourisme ?

Le TCB est une tentative de structuration
du secteur dans une perspective de synergie entre l’Administration et les
professionnels. L’idée d’une commission mixte ONTT/TCB pour promouvoir le
secteur a été bien accueillie tant par le Ministère que par l’ONTT. Le Tunisia
MICE Day, par exemple, sera un test de la qualité de cette coopération
public/privé.




Création du GIE Tunisia Convention Bureau

C’est finalement sous la forme d’un GIE à caractère Civil que le Tunisia Convention Bureau s’est constitué sous le nom de Centre Tunisien de Promotion du Tourisme d’affaires ; TCB étant son appellation et marque commerciale, déposée comme telle à l’INNORPI.

Lors d’une assemblée générale tenue à l’hôtel The Residence vendredi 3 février, les onze fondateurs ont décidé d’entamer l’élargissement du TCB à l’ensemble des opérateurs spécialisés. A cet effet, une réunion avec les professionnels du secteur sera organisée au début du mois de mai, date à laquelle le site web dédié au MICE sera opérationnel.

Autre décision de l’AG, le report de la rédaction finale du Règlement intérieur du GIE en vue d’y inclure les propositions et avis des futurs membres.

Tunisia MICE Day : un évènement annuel pour promouvoir la destination

Le Tunisia MICE Day (TMD) est l’autre projet par lequel le TCB compte « améliorer l’attractivité de la destination à l’international et drainer une nouvelle clientèle ».

En effet, cet événement (une conférence + un workshop + une soirée de gala) se tiendra annuellement en partenariat avec notamment l’ONTT. Il devrait permettre aux partenaires et journalistes étrangers de mesurer sur place le vrai potentiel de la destination, de rencontrer les professionnels tunisiens et de se fournir en nouvelles idées d’évènements et de programmes MICE.

Pour rappel, René Trabelsi a aimablement accepté d’être le Président d’honneur du TCB. Les 10 membres fondateurs constituant le Comité de direction sont les suivants :

  • Présidente : Wiem Radhouane (Barclays Travel)
  • Vice-président : Jamel Bel Haj Yahia (Iris Tours)
  • Secrétaire Général et Président du Comité Marketing &
  • Communication : Arslene Letaief (Imagine Events)
  • Président Comité Evènements : Mohamed Jerad (Radisson Blu Palace, Djerba)
  • Président Comité Incentives : Sami Mathlouthi (Terre d’Ailleurs)
  • Co-présidents Comité Congrès & Séminaires : Hédi Benzarti (The Residence) et Kheireddine Elloumi (Creative Tunisia)
  • Président Comité Relations internationales : Zied Maghrebi (Mövenpick Sousse et Gammarth)
  • Président Comité Tourisme durable : Naceur Mrabet
  • Chargé des commissions mixtes : Sahbi Akkari (agence Be Mice, hôtel La Forêt)

La Direction exécutive est attribuée à Lotfi Mansour.




Compétitivité : regagner le terrain perdu

Classée au 85e rang mondial en 2019 alors qu’elle était 39e en 2008, la Tunisie a perdu beaucoup de sa compétitivité. L’amélioration de l’index de compétitivité devrait être à la base de la stratégie de relance du tourisme. Une interview de Lotfi Mansour parue le 5 juin dans le journal Le Temps.

 

Où en est la destination Tunisie concernant sa compétitivité ? Plus précisément, quels sont ses points forts et ses faiblesses à ce sujet ?

Lotfi Mansour : Si on se réfère à l’index de compétitivité que publie régulièrement le Forum Economique Mondial dans son rapport Travel & Tourism Competitiveness, nous sommes, bien derrière nos principaux concurrents, au 85e rang sur 140 pays avec un score qu’on peut qualifier de moyen et qui est de 3,6 sur 7 (chiffres de 2019). Pour situer cette « performance », la Tunisie était 39e (sur 130 pays) en 2008, 79e en 2015 (sur 141 pays) et 87e en 2017 (sur 136 pays).

Cet indice est l’agrégation des notes obtenues sur de nombreux critères. C’est sur le critère prix que nous obtenons notre meilleure note : 6,1 / 7 avec un 12e rang mondial. Nous aurions préféré une note « moins bonne » sur ce critère qui nous identifie comme une destination bon marché. Mais nous pouvons parler à ce propos « d’amélioration », puisqu’après avoir été au 7e rang mondial en 2015, nous ne sommes désormais plus dans le peloton de tête des destinations « les moins chères ». Une telle tendance, si elle se confirme, pourrait contribuer à améliorer la rentabilité du secteur qui n’est pas non plus brillante.

Notre plus mauvais score est obtenu sur le critère « ressources naturelles et culturelles » en tant que « raison principale du voyage » : notre note est de 2 sur 7 et nous vaut la 100e place. Ce chiffre devrait nous interpeller pour notre future stratégie.

Justement, comment peut-on améliorer notre compétitivité ?

L. Mansour : Pour des pays comme la France, par exemple, l’index de compétitivité et son amélioration a été à la base de la stratégie de relance du tourisme il y a quelques années et a fait passer la destination du 15e rang en 2011 au 2e actuellement.

Pour ce qui de la Tunisie, si nous prenons le seul critère du « Tourisme Culture et Nature » dont l’index est obtenu sur la base « du nombre des sites naturels et culturels classés par l’UNESCO ainsi que du nombre de demandes sur le net pour les sites culturels et/ou naturels », nous devrions, d’une part, activer l’obtention de classement de nouveaux sites et donner à l’ensemble plus de visibilité sur le net, et, d’autre part, viser dans notre commercialisation les clients dont la Culture ou la Nature sont les principales motivations de voyage, en plus de ceux qui viendraient pour un séjour balnéaire et seraient tentés de le prolonger par des visites et des excursions.

Le balnéaire restera « un produit vache à lait » mais nous n’avons plus besoin d’en parler à tout bout de champ. Le propre d’un « produit vache à lait » (qui a une forte part de marché dans un marché en faible croissance et duquel on tire l’essentiel des bénéfices, d’où l’expression vache à lait), c’est qu’il n’a plus besoin d’accaparer les dépenses en investissement ou en communication.

C’est un peu comme la remarque que s’est attirée Michel Boujenah à ses débuts en France, quand quelqu’un lui a conseillé : « Arrête de dire que tu es tunisien, ça se voit tellement ! ». A force de dire qu’on a de belles plages, les gens finissent à croire qu’on n’a que ça.

Faut-il instaurer un autre modèle de développement touristique, fondé sur un nouveau cadre politique consolidé, pour permettre au tourisme de se développer de manière compétitive et durable ?

L. Mansour : Vaste question… Déjà, il nous faut améliorer notre gouvernance du secteur en précisant la vocation des uns et des autres. Concernant la promotion du Tourisme Culturel, par exemple, qui doit être le chef de file d’une politique dans ce domaine, l’ONTT (qui a le budget) ou l’AMVPPC (qui a la gestion et la promotion des sites et musées) ? Une même opacité existe pour le Tourisme des Jeunes (ministère du Tourisme versus ministère de la Jeunesse et du Sport qui gère les auberges de jeunesse) ou pour le Tourisme de Santé (ministère du Tourisme versus ministère de la Santé, et plus précisément l’Office National du Thermalisme et de l’Hydrothérapie qui est en charge de la thalasso). L’ONTT lui-même doit se décider définitivement sur sa vocation : doit-il se concentrer sur la promotion, comme le suggère une réforme qu’on remet au lendemain depuis 20 ans ? L’inspection des hôtels nécessite-t-elle à elle seule des commissariats, ou faut-il réfléchir à des offices de tourisme régionaux ? Et ainsi de suite.

Je pense qu’à court terme, il nous faut lever deux hypothèques qui pèsent lourdement sur le tourisme tunisien : l’hypothèque politique (qui fait par exemple que le musée du Bardo est fermé depuis près d’un an) et celle du traitement des déchets (ménagers et solides y compris ceux des hôtels). J’ajouterai une troisième hypothèque à lever : celle de l’aérien. Ensuite, il nous faut une réflexion pour rendre notre tourisme « acceptable et rentable ». Acceptable par les Tunisiens, par une politique de tourisme local et régional ambitieuse (qui aura pour leitmotiv de rendre le tourisme accessible au plus grand nombre), et rentable en diminuant sa dépendance vis-à-vis des compagnies et produits non tunisiens. Pour être plus clair, nous devons nous soucier un peu plus de notre balance touristique et de la balance commerciale tout court, donc optimiser le tourisme réceptif, rationaliser l’outgoing et notamment la Omra, diminuer le poids des intermédiaires (TO en tête), accélérer la digitalisation, rendre l’Open sky effectif, etc.

Interview publiée dans le journal Le Temps du 5 juin sous le titre : « Nous sommes, bien derrière nos principaux concurrents, au 85e rang sur 140 pays »




Le Tourisme magazine : un nouveau cycle

Letourismemagazine.com devient mon blog personnel, ou, plus exactement, assume ce qu’il est déjà devenu ces derniers temps. Je devais cette clarification à ceux qui me font l’honneur de me lire puisque je compte désormais me consacrer à mes activités de consultant et que je n’aime pas trop le mélange des genres. Donc, je ne suis plus journaliste.

A ceux qui me suivent (qui m’aime me suive ?), je voudrais faire une confidence et une promesse.

La confidence est que mon film préféré n’est pas “Le Parrain” de Coppola, mais “Nous nous sommes tant aimés” de Scola… (les moins jeunes comprendront).

La promesse est que j’essaierai mieux que par le passé de faire “des compromis mais jamais de compromissions”, et que je continuerai à penser comme Bernanos que “le scandale n’est pas de dire la vérité, c’est de ne pas la dire tout entière, d’y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, tel un cancer, le cœur et les entrailles”.

A bientôt.

Lotfi Mansour

 




Assemblée Constitutive du TCB

Le TCB a désormais une existence officielle en tant qu’Association à but non lucratif. Il a tenu sa première assemblée le samedi 4 juin à l’hôtel Maia à Tunis Lac.

Près d’un mois et demi après le dépôt de son dossier auprès de la présidence du gouvernement, le TCB peut enfin s’atteler à la promotion du secteur MICE en Tunisie, à commencer par le rassemblement de tous les acteurs de ce secteur (agences réceptives spécialisées, hôtels…) et la mise en place d’une communication et d’un marketing dédiés au MICE en collaboration avec l’ONTT et les autres intervenants du tourisme en Tunisie.

Ainsi les pourparlers avec l’ONTT et la FTAV ont abouti à un accord de principe pour la création de commissions mixtes ONTT/TCB et FTAV/TCB. La direction du TCB vise à s’engager de la même manière auprès d’autres institutions comme l’AMVPPC ou le CEPEX.

La création du site internet tunisiaconventionbureau.com, et donc du guichet unique (devis, infos…) pour les opérateurs étrangers, est prévue au mois de septembre au plus tard.

Parmi les points approuvés lors de cette assemblée,  l’adoption du Business plan et la constitution d’une direction collégiale.

Le Comité de Direction est ainsi composé :

Présidente : Wiem Radhouane (Barclays Travel)
Vice-président et Trésorier: Jamel Bel Haj Yahia (Iris Tours)
Secrétaire Général et Président du Comité Marketing & Communication : Arslene Letaief (Imagine Events)
Président Comité Evènements : Mohamed Jerad (Radisson Blu Palace, Djerba)
Président Comité Incentives : Sami Mathlouthi (Terre d’Ailleurs)
Présidents Comité Congrès & Séminaires : Hédi Benzarti (The Residence) et Kheireddine Elloumi (Creative Tunisia)
Président Comité Relations internationales : Zied Maghrebi (Mövenpick Sousse et Gammarth)
Président Comité Tourisme durable : Naceur Mrabet
Chargé des commissions mixtes : Sahbi Akkari (agence Be Mice, hôtel La Forêt)

L’assemblée a aussi adopté la résolution nommant Lotfi Mansour au poste de Directeur exécutif.

Il faut signaler que, parmi ses actions prochaines, le TCB prévoit des réunions dans les régions pour échanger avec les professionnels concernés.

 

 

 

 




M’hamed Driss n’est plus

M’hamed Driss s’est éteint aujourd’hui à l’âge de 98 ans. Avec sa disparition, la Tunisie et le tourisme tunisien perdent un grand entrepreneur et l’un des pionniers de l’hôtellerie tunisienne. M. Driss est le fondateur de la chaîne Marhaba dont le premier maillon fut inauguré le 18 mars 1965.

Toutes nos condoléances à sa famille et ses amis.




FTAV : on joue à « kahla-hamra »

C’est une particularité de la FTAV : l’arrivée d’un nouveau bureau se joue toujours à travers de vraies élections, et donc de vraies manœuvres électorales entre deux listes parfois antagonistes, et en tout cas aux couleurs significatives.

La liste représentant peu ou prou le bureau sortant se pare toujours de bleu, couleur du logo de la FTAV, et symbole, selon le bord auquel on appartient, de stabilité ou de conservatisme. D’ailleurs, on s’étonne toujours de voir le grand nombre de fédérations du tourisme à choisir ce bleu malgré son ambivalence : s’il est théoriquement symbolique de fraicheur, de pureté etc., il reste pour les Tunisiens (on parle des gens du peuple et non de ceux des conseils d’administration) une couleur honnie, et ce bien avant l’arrivée d’Ennahda (dont le logo est aussi bleu) : ne dit-on pas « une journée bleue » (nhar azrek) pour dire « une journée de m… » ?

Dans ce contexte, le choix de la couleur de la liste concurrente n’est pas anodin : aux précédentes élections, la liste concurrente s’est choisi la couleur orangée, dont la symbolique est quasiment celle du bleu (fraicheur…) tout en voulant porter une promesse de changement en douceur avec une couleur « presque rouge, mais pas tellement » ; ce qui exprimait peut-être la difficulté pour la leader de cette liste de rompre avec le bilan du bureau sortant puisqu’elle en était la secrétaire générale.

Cette fois-ci, la volonté de rupture est plus nette avec le choix d’un rouge « révolutionnaire » sur une liste plutôt portée par des jeunes, mais où les « anciens » ne sont pas absents. Un rouge qui est aussi « la couleur préférée des Tunisiens », celle qui domine dans les melyas, habits berbères des femmes, celle de la chéchia, jadis le couvre-chef de tous les hommes, et surtout celle du drapeau national.

Quand le noir s’invite à la fête…

Jusque-là tout allait bien dans les meilleures couleurs du monde, jusqu’à ce que la liste bleue se mette à jouer au bonneteau, c’est-à-dire en tunisien à « kahla-hamra » (littéralement noir et rouge ; sans rapport avec Stendhal). Le fait est qu’une des têtes de la liste Bleue, fidèle représentant depuis des décennies d’un grand groupe bien impliqué dans l’hôtellerie, est devenu ces derniers mois un agent de voyages indépendant. Il n’en fallait pas plus pour que les Rouges voient rouge et crient à la manipulation du votant de base ; surtout que ce changement de statut ne satisferait pas à l’un des critères d’éligibilité qui est d’avoir une ancienneté d’au moins trois ans à la tête d’une agence.

Le procès fait à ce respectable membre de la liste Bleue ressemble à celui fait aux candidats politiques dits indépendants de nos différentes élections, à savoir d’être un « agent d’Ennahda ». Décidément, le bleu n’inspire que méfiance.

Des amis agents de voyages me demandent ce que je pense de tout ça. En guise de réponse, je paraphrase Picasso : « Quand je doute du bleu, je mets du rouge »*.

Lotfi Mansour

* « Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge », Pablo Picasso.