Ce qu’il y a de mauvais dans les chiffres, c’est qu’ils sont têtus et que les belles paroles ne suffisent pas à les changer. Les entrées européennes du premier trimestre affichent, selon l’ONTT, une baisse de 6%, soit une perte de 17 000 clients européens par rapport à 2013, et de 149 000 clients par rapport à 2010. Une baisse constatée sur la plupart des marchés (18 marchés sur 29) et notamment les marchés anglais (-11,4%), français (-4%) et allemand (-3,8%).
Cette contreperformance est due essentiellement à un mois de mars médiocre, les marchés anglais, français et allemand reculant respectivement de 19%, 5,2% et 6%. Pour l’ensemble des marchés européens, le mois de mars est en recul de 6,8%. Manifestement, « l’effet Karboul » se fait encore attendre.
A cette étape de la saison, on se devrait de préciser certaines réalités et en tirer les conclusions pour rectifier le tir.
– Ce qui fait une bonne ou une mauvaise année, c’est un bon ou un mauvais hiver/printemps. En été, et sauf événement exceptionnel, la Tunisie fait le plein (elle faisait même du surbook) tant que les agences de voyages et les TO n’ont pas trouvé de destination balnéaire moyen-courrier de remplacement qui soit équivalente à la nôtre en qualité et en prix.
– Les bons hivers, c’est surtout la clientèle senior dont la promotion est aujourd’hui laissée à l’Office du Thermalisme. C’est celui-ci qui assurera, par exemple, la participation tunisienne au Salon des Seniors qui s’est ouvert hier à Paris. L’ONTT doit reprendre l’initiative sur ce marché.
– Ce qui fait les bons hivers, ce sont aussi les produits de niches tels que la thalasso (léguée elle aussi à l’Office du Thermalisme), le MICE ou le golf, auxquels notre ministère ne semble accorder ni intérêt ni budget.
Pour l’été, les jeux sont faits
Il nous faut souligner une ou deux petites choses essentielles dans la commercialisation d’une destination comme la nôtre. Les contrats d’allotement d’avions, et donc de lits, pour une saison sont faits une année à l’avance en fonction de la conjoncture et du climat régnant durant l’année de signature. Un changement de climat sociopolitique favorable, comme celui qui s’est produit chez nous, n’incitera pas automatiquement les TO à prendre plus de sièges d’avion parce que ces sièges n’existent plus sur le marché, ou si peu, à des prix charter.
Toutes les compagnies aériennes nationales, à commencer par Tunisair, redéploient leurs capacités vers le régulier (voir notre article sur Tunisair Allemagne), beaucoup plus rémunérateur. Elles n’injectent, en cas de reprise de la demande comme c’est le cas cette année, qu’une capacité supplémentaire minime aux alentours de 10%. Conséquence pour cet été : une partie de la demande touristique nouvelle ne sera pas satisfaite faute d’avions, et les prix pour les TRE grimperont en flèche.
Les publicités que nous voyons passer aujourd’hui sur des chaînes TV européennes serviront à créer un intérêt pour la destination alors que celle-ci ne sera pas mise en avant chez les distributeurs faute de disponibilités sur les avions. Même parmi les hôtels, certains affichent depuis un moment un « Stop Sale » pour l’été…
Dans ces conditions, le travail de l’administration et, à sa tête, de la Ministre du Tourisme aurait dû être de solliciter nos compagnies aériennes et les TO pour injecter plus de capacités et alléger la prise de risque pour les TO. Il aurait aussi fallu réunir les TO tunisiens en Europe (qui pèsent quand même quelques centaines de milliers de clients) pour les inciter à lancer des vols supplémentaires sur la destination.
Enfin, vendre une destination est aussi une affaire d’intendance. Or l’intendance est assurée chez nous par un Office du Tourisme complètement démobilisé. Son Directeur Général intérimaire n’a pas l’autorité nécessaire pour agir, sans parler du Directeur central du Marketing auquel la Ministre a signifié dès son arrivée qu’il était sur un siège éjectable. Confirmer ces cadres dans leurs fonctions ou les remplacer, telle est la décision que la Ministre a eu tort de ne pas prendre plus tôt.