Coopération internationale : la faute au henné ?
Qu’y a-t-il de commun entre la rénovation du Musée de Carthage, l’élaboration d’un Compte Satellite du Tourisme et la mise en place d’un plan de développement du tourisme durable ? Ils bénéficient tous d’une annonce de lancement à chaque changement de gouvernement, et dépendent tous du financement de l’un ou l’autre de nos partenaires internationaux.
La tenue hier de comité de pilotage du programme Tounes Wejhatouna a été l’occasion pour les représentants de certains ministères (Agriculture, Coopération Internationale) et de professionnels (FI2T notamment) de formuler certains griefs légitimes envers la gestion de ce programme. Un programme qui, malgré son ambition et ses moyens, fait du surplace par rapport à sa vocation de contribuer au développement du tourisme durable.
« C’est le COVIDEO ! », résume un professionnel tunisien tant ce programme s’est illustré ces derniers mois par la production de vidéos sur le COVID. Un constat qui a fait dire qu’il s’agissait là d’un « détournement » vers le tourisme balnéaire de fonds destinés au tourisme durable.
Mais ce bilan peu reluisant du programme Tounes Wejhatouna n’est pas du seul fait de nos partenaires internationaux ; il est à l’image du taux de réalisation des investissements publics et privés en Tunisie, c’est-à-dire peu satisfaisant. Dans le tourisme comme dans d’autres secteurs, la compétence commence à faire défaut dans notre administration pour mener à bien ses projets. Au ministère du Tourisme, la personne en charge de la coopération internationale – et donc de Tounes Wejhatouna entre autres projets – est la même qui déclarait il y a moins d’un mois : « A l’horizon 2023/2024, le ministère du Tourisme compte tripler le nombre de nuitées passées dans les hôtels de charme, les pensions de famille, les gîtes ruraux et les maisons d’hôtes agréés par l’ONTT, contre environ 2 millions de nuitées actuellement » (Tap.info.tn 14/11/2020).
Nous avons refait le compte de ces nuitées sur la base des chiffres du “Tourisme en chiffres” publié par l’ONTT pour l’année 2019. On ne trouve que 260 471 nuitées (voir tableau), et seulement 34 482 nuitées pour les gîtes ruraux, chambres d’hôtes et hôtels de charme, qui sont les seules catégories nouvellement créées et concernées par les programmes de tourisme durable.
La question est de savoir comment on peut rester crédibles aux yeux de nos partenaires et pourvoyeurs de fonds devant autant d’approximations. Surtout quand elles émanent de la personne en charge* du fameux Compte Satellite du Tourisme censé nous révéler la réalité des chiffres du secteur.
Comme le dit notre dicton : « C’est un peu la faute au henné, et un peu la faute aux mains qui sont trop douces » (chwaya mil henna we chwaya min rtabet lidine).
Lotfi Mansour
* pour son volet financement dans le cadre de la coopération internationale