A moins d’être réformé, le tourisme tunisien est voué à un recul certain. Pour qu’il survive, il faut enterrer nos anciens modes de gestion et de promotion, explique ici Lotfi Mansour qui vient d’y consacrer un livre sous le titre «Le tourisme est mort, vive le tourisme !».
L’année 2015 était une vraie «annus horribilis» pour qui suit le tourisme tunisien. D’abord, il y a eu ce cri – «Le tourisme est mort ! c’en est fini du tourisme !» – d’un agent de voyages tunisien après l’attentat du Bardo. Un cri qui a suscité chez nous de nombreuses protestations indignées à l’encontre du journal Libération qui l’avait rapporté.
Ensuite, il y a eu la publication de l’index de compétitivité du tourisme par le Forum Economique mondial où la Tunisie est classée au 133e rang sur 144 pays pour la gestion de son image. Enfin, on a eu droit à l’attentat de Sousse, suivi des chiffres du World Travel & Tourism Council qui prédisaient un recul certain du tourisme tunisien à l’orée de 2026…
Comment répondre à autant de mauvaises nouvelles quand on a vécu les 20 dernières années par et pour le tourisme ? Que faire quand elles émanent d’institutions aussi crédibles que le Forum de Davos et le WTTC ? Mon choix a été de commencer un voyage à travers les chiffres et les politiques menées depuis une vingtaine d’années pour y voir clair. Un voyage qui a abouti à ce livre, «Le tourisme est mort, vive le tourisme !» et qui s’est construit autour des constatations suivantes :
- nous ne connaissons pas grand chose du poids réel de notre secteur faute d’un Compte Satellite du Tourisme (CST), recommandé depuis 2002 et dont l’instauration est «décidée» depuis 2010. L’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme) semble avoir tiré les conclusions d’une telle mauvaise volonté de la Tunisie puisqu’elle a choisi, en février dernier, l’Algérie pour le lancement de son premier programme de renforcement des capacités statistiques au Maghreb. Laquelle Algérie s’engage à mettre en œuvre le CST d’ici 2019 ;
- les signes d’essoufflement du tourisme tunisien datent bien du début des années 2000, avec une baisse continue de la durée de séjour qui est passée en dessous de la barre des 5 jours en 2009 pour tomber à 2,7 jours en 2015. Une baisse qui touche aussi bien les Européens que les Maghrébins, et notamment les Algériens dont la durée de séjour est passée de 1,6 en 2009 à 0,9 jours en 2015. La Tunisie est de moins en moins capable de retenir ses visiteurs ou, comme le diagnostiquent les spécialistes, elle perd de son «attractivité», une notion mesurable et qui se trouve aujourd’hui au cœur des politiques touristiques des grandes destinations. La mollesse des politiques menées depuis 20 ans n’a pas pu créer une croissance suffisante pour compenser cette baisse de la durée de séjour et son corollaire, la stagnation sinon le recul des recettes touristiques.
D’où les propositions :
- une meilleure mesure de l’impact économique du secteur et l’adoption rapide du Compte Satellite du Tourisme ;
- un objectif de croissance au moins égal à celui de nos principaux concurrents pour les 10 prochaines années ;
- un engagement dans le e-tourisme ;
- un nouveau pacte de gouvernance du secteur pour une amélioration de sa compétitivité, un pacte qui suppose de remettre au centre de notre action l’amélioration de l’attractivité de la destination et des régions. Une telle amélioration passerait par une meilleure visibilité de l’offre culturelle, la création de marques-régions et le développement des filières.
Quid du plan de développement 2016-2020 annoncé par le Ministère du Tourisme ?
Malheureusement, l’optimisme affiché par ce plan, qui suppose une croissance de 14% par an des arrivées de touristes, est déjà mis à mal par les résultats de l’année 2016 où les arrivées n’augmentent que de 6% (malgré une année 2015 catastrophique) tandis que le secteur, selon la BCT, enregistre en 2015 et en 2016, et pour la première fois de son histoire, une contribution négative au PIB (–0,5% et –0,1%).
Lotfi Mansour
«Le tourisme est mort, vive le tourisme !» par Lotfi Mansour
Publié par Dad éditions, prix : 19,500 DT.
En vente à partir du 16 mars dans toutes les bonnes librairies ou auprès de MCM (port gratuit), tél. : 70 858 244/246.